L’aventure TPL Moms est commencée depuis plus de trois mois (yay!) et je vis plusieurs émotions contradictoires avec l’écriture de mes articles hebdomadaires. Certaines fois, c’est facile et ça s’écrit de manière fluide, d’autres moins quand il est question de sujets plus délicats comme celui que je vais aborder cette semaine. J’ai hésité, tergiversé, laissé l’idée de côté parce que franchement, ça ne me tentait pas de me coltiner la culpabilité et les discussions qui allaient faire suite à sa rédaction.
Puis, la semaine dernière, quelqu’un m’a donné le petit plus dont j’avais besoin pour en parler, alors, me voici avec mon sujet sensible.
«Maman, pourquoi tu fumes?»
C’est la pire question que ma fille puisse me poser et elle revient souvent; j’ai posé la même à ma mère qui fumait, jadis. Je déteste me le demander et le fait pourtant aussi fréquemment qu’elle.
Toutes les réponses que j’ai à donner sont plus moches les unes que les autres, mais je suis obligée de dire quelque chose. Chaque fois, c’est un instant oscillant entre la honte et la tristesse, celui où mon enfant est le miroir le plus vrai qui ne me reflètera jamais : contemplation de ma dépendance destructrice dans toute sa laideur.
Je réponds néanmoins avec une volonté d’être honnête : parce que c’est une mauvaise habitude que j’ai prise et dont il est vraiment difficile de se débarrasser même si ça pue, même si ça ne goute pas bon, même si ça me tue à petit feu, même si ça n’a pas de sens logique. Que je veux arrêter un jour, mais que pour l’instant je ne suis pas prête et que je me sens mal de ne pas l’être.
On en a parlé souvent de la cigarette, de plein de manières. Il y a des fois où je me suis fâchée, où j’ai répondu que ce n’était pas de ses affaires alors que c’est faux et ce, même si je ne fume pas dans la maison. J’ai répondu, silencieusement et dans mon for intérieur des choses comme «parce que sinon je vais faire de l’angoisse tout le temps», «parce que j’aime ça et que c’est moins difficile que d’arrêter», «parce que ça fait plus de dix ans que je fume pis que je sais plus qui je suis sans ça», «parce que j’ai peur de grossir si j’arrête, peur de plus pouvoir écrire parce que c’est trop associé avec mon café et mes impulsions». Toutes des réponses qui me dégoutent parce qu’elles sont vraies pour moi, des réponses que je hais mais qui me viennent toutes seules si je ne mets pas de filtre à ma pensée : l’horrible vérité qui empeste autant que l’odeur de clope.
Je ne compte plus les fois où je me suis sentie abjecte sous le regard des gens, leurs yeux alternant entre la cigarette à ma main et ma fille qui joue un peu plus loin, méprisable sous le jugement qui clôt le contact visuel. Chaque fois, j’ai envie de courir derrière eux et d’expliquer de long en large tout ce qui fait que je suis une mère fumeuse certes, mais une bonne mère tout de même et qui essaie vraiment fort de ne pas le faire subir à sa fille.
Je devrais être capable de pouvoir arrêter, mais pour l’instant ce n’est pas le cas. J’ai vaincu bien des dépendances, sauf que celle-là est indicible : je l’aime et l’exècre tout à la fois, j’ai l’impression qu’elle m’est vitale alors que c’est totalement le contraire.
Je suis lasse d’entendre que je devrais arrêter pour le bien d’Angélik, de me faire dire que je lui montre un mauvais exemple, je suis consciente de tout ça sans besoin de me le faire reprocher. Je suis fâchée de devoir me défendre contre le sous-entendu qui insinue que je n’aime pas assez ma fille pour arrêter. Je ne sais pas quoi répliquer à ces attaques passives, pas plus qu’à la question d’Ange.
Le temps a son importance dans l’apprentissage de l’amour de soi et je le laisse faire mais j’ai un but : arrêter avant mes trente ans. Il me reste donc quatre années pour apprendre à détester mon vice le plus coriace, apprendre à m’aimer plus que lui, apprendre et grandir moi aussi, même si ça me terrifie.