Mettons les choses au clair : je ne suis pas une évangéliste de l’allaitement. Je ne cherche pas à vous convaincre que le lait maternel jusqu’au sevrage naturel est ZE façon de faire. Ma mère et mes amies ont allaité, mon corps de femme enceinte me disait d’allaiter, la société tout entière me poussait à allaiter, alors je voulais allaiter. Mon objectif : six mois.
Jamais je n’aurais envisagé dépasser un an. J’avais en tête des propos entendus je sais plus où sur le fait que si l’enfant est capable de demander le sein avec des mots, c’est bizarre. Presque malsain. Cette drôle d’idée préconçue, je l’avais assimilée. Les rares fois où j’avais vu des bambins grimper eux-mêmes sur leur mère pour réclamer le sein, j’avais trouvé ça vraiiiiment intense. Trop grano même pour moi.
En pratique, l’allaitement n’a pas été le moment de grâce et de parfaite complicité qu’il est pour plusieurs mères (à ce qu’on dit). Le premier mois, c’était douloureux et terriblement exigeant. Même après l’intervention providentielle d’une infirmière du CLSC qui a réglé notre problème de prise, l’allaitement a longtemps été à mes yeux surtout utilitaire. Pas désagréable, mais pas particulièrement plaisant non plus.
Malgré tout, quand ma mini a eu six mois, l’idée d’arrêter ne m’a même pas effleuré l’esprit. Sevrer mon bébé encore allaité toutes les trois heures le jour et qui passait ses nuits accroché à mon sein? Impensable.
Je n’ai commencé à éliminer des boires qu’avec l’entrée à la garderie, quand la demoiselle a eu un an. Vers un an et demi, elle prenait généralement le sein deux fois par jour. Maintenant, à deux ans et quatre mois, elle ne veut habituellement boire qu’au coucher. «Pour faire dodo, c’est bien», comme elle m’a expliqué.
Je n’ai jamais reçu de remarques désobligeantes sur notre allaitement au long cours. Néanmoins, je sens parfois dans le regard des autres notre étrangeté. Je les comprends : j’ai déjà pensé comme eux. Mais ce que je trouvais incongru avant de le vivre me semble maintenant tout ce qu’il y a de plus naturel.
C’est d’ailleurs après un an que je me suis mise à apprécier réellement l’allaitement. La loi de la rareté est en partie en cause : moins les boires sont nombreux, plus ils me sont précieux. Mais ce n’est pas tout.
Pouvoir donner le sein à un enfant qui commence à trottiner, c’est pas mal pratique. Le «lait de maman» a été pour nous le moyen par excellence pour calmer les bobos et les frustrations qui viennent avec l’apprentissage de la mobilité globale. C’est aussi un atout en voyage : rien de mieux que ce concentré de réconfort pour aider ma fille à apprivoiser une chambre inconnue.
Allaiter un tout-petit qui parle, c’est aussi pas mal adorable/comique. C’est se faire demander «l’aut’côté, topopè» (NDLA : topopè = s’il te plait) ou entendre la demoiselle décréter : «moi fini le lait». Quand la prise est mauvaise, je peux le lui DIRE et elle RÈGLE LE PROBLÈME elle-même.
Et quand elle lève la tête un moment pour s’exclamer : «c’est BON!», c’est comme si je recevais enfin le salaire des centaines d’heures que j’ai passées avec elle dans le fauteuil d’allaitement.
Combien de temps est-ce que ça va encore durer? Aussi longtemps que ça va faire notre affaire à toutes les deux.
Ce qui est certain, c’est que contre toute attente, l’«après un an» aura été pour moi la meilleure partie de l’allaitement.
Crédit photo : Hobo Mama.
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