Aujourd’hui, maman est morte. 

Aujourd’hui, il y a 11 ans, maman mourait (et je me sens bien quand je pense à sa mort). 

Je suis assise, un peu comme elle le faisait. La lumière du matin sur mon visage. Un vent doux pousse le rideau. L’air sent la rosée et les feuilles neuves de l’érable rongé qui se dresse devant la maison. Un oiseau hoquète. 
 

Un échantillon des peintures de maman.
Crédit : Danielle De Brière

 

«Tu avais raison, la vie est belle, maman. » Quand je pense à ta mort, je me sens mieux. Je me souviens de ta chaise allongée dans l’herbe quand déjà les métastases faisaient pourrir ton dos, près de tes poumons brunis. Ton corps cherchait à s’abattre. Tous les jours, durant les deux ans de ton cancer, tu luttais pour te tenir debout.  

Pourtant, non, tu ne mourais pas, pas encore. Malgré la douleur, la chimiothérapie te rongeait un peu plus à chaque traitement. Ton acharnement à te battre était beau.

De la joie qui pousse dans le chagrin

Tu voulais que nous soyons heureuses, nous, tes trois filles. 

Tu mesurais notre bonheur. Était-il séparé à part égale? Avec tes mots et tes mains, tu voulais que nous voyions ce qui est beau. Du beau partout. 
 

Maman peignait partout.
Crédit : Danielle De Brière
 

Tu nous as appris à cultiver la joie. La joie comme une semence. La joie dans la tristesse. Le bonheur né de l’épreuve.   

Tu mourais.

Mais ta chaise a été remplacée par un lit d’hôpital. Et nous avons fait comme si l’arbre et le jardin étaient encore autour de toi.

Nous nous sommes prises par la main. J’ai senti ton corps s’en aller vers cette mort injuste, horrible. J’ai senti tes mains frémir comme si tu voulais encore me prendre, un peu. Mais tu n’en avais plus la force. Tu mourais.  

« Nos morts nous entraînent avec eux, et chacun est un rocher jeté dans notre mémoire qui fait monter notre ligne de flottaison, » Petite proses, Michel Tournier
Crédit : Danielle De Brière

 

Maman, je suis heureuse. J’ai juré à la vie de laisser à la joie la chance de pousser. Une joie douce et amère, une joie de chagrin. Le bonheur n’est pas facile, non. Tu avais raison, il faut savoir le nourrir un peu, en écrivant, en méditant, en créant.

Ce matin, tu es morte, maman, et je suis joyeuse. Je m’en vais cueillir dans son lit mon enfant-joie, il y a tant de choses encore à lui partager, tu sais, maman.

Vous êtes-vous réconcilié avec la mort d’un proche? Qu’est-ce que ce deuil vous a appris?