Quand je rentre du travail pressée de renifler l’odeur des cheveux de mon fils, de frotter ma joue contre sa joue rebondie et de l’envelopper dans mes bras pour refaire le plein de mon petit V, j’ouvre grand les bras et je lui pose une seule question : câlin? Parfois, sa réponse est de me sauter dans les bras. Parfois, il utilise ce vocable qu’il aime de plus en plus et me répond : non. Tout bonnement, tout concisément, tout poliment.
D’accord coco, je te fous la paix, j’en profite pour me servir un café au calme pendant que tu squattes avec Papa. Je te « force » déjà à prendre ton bain, à me laisser brosser tes dents, à manger autre chose que des muffins aux pommes (je fais des malades muffins aux pommes). C’est assez.
Ça ne nous viendrait pas à l’idée d’obliger un collègue à nous embrasser, de demander à un ami d’ami d’être ravi qu’on le prenne dans nos bras pour l’y serrer fort en tant que parfait inconnu. On ne s’arrête pas sur les gens qu’on trouve jolis dans la rue pour leur caresser la tête ou leur voler le nez, on n’insiste pas auprès de la belle-famille éloignée : « Allez, juste un bisou, juste un, allez, fais un effort, pour moi. » Et on ne s’offusque pas quand un adulte préfère nous serrer la pince ou nous saluer d’un vague geste de la main que s’épancher en grandes effusions. On ne le trouve pas malpoli parce qu’il a la prétention de ne pas vouloir être touché par des inconnus.
On a beaucoup plus tendance à être exigeants, voire coercitifs avec les enfants. À forcer l’affection, les câlins, les bisous, comme si c’était une corvée, l’amour. Comme si c’était un dû. On a beaucoup plus tendance, justement, à les trouver malpolis s’ils refusent ou s’ils pleurent, tout bébés qu’ils sont parfois, dans nos bras inconnus.
Je ne sais pas d’où vient cette confusion entre politesse et affection. Quelqu’un qui t’ignore toute la soirée et détourne la tête quand tu lui es présenté est clairement mal élevé. Quelqu’un qui préférerait ne pas te frencher trois secondes après votre rencontre a seulement une bulle plutôt normale.
C’est la même chose avec les enfants. Ils ne sont pas des choses à se passer comme une cigarette, ce n’est pas leur rôle de fournir du réconfort à tous ceux qui passent : tellement d’endorphines dans cette odeur d’humain neuf. Ce sont des personnes, petites certes, mais qui ont droit à un semblant d’intégrité physique.
S’il y a une chose que je n’ai aucunement envie d’apprendre à mon enfant, c’est que le bien-être d’un adulte, quel qu’il soit, est plus important que sa souveraineté sur son corps. Ça me semble être un terrain dangereux. S’il y a une chose que j’ai clairement envie d’apprendre à mon gamin, c’est que toute personne a le droit de décider ce qu’elle fait avec son corps. Sauf si cette personne veut manger seulement des muffins aux pommes dans sa journée, j’imagine.
Vous contentez-vous d’un tope-là ou d’un serre-mains quand vous rencontrez un enfant? Insistez-vous pour que votre enfant salue en embrassant?