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J’ai accouché dans un 3 1/2
Crédit: Josué Bertolino

25 semaines d’une grossesse sans histoire.  Dans son bureau, la sage-femme me demande de fermer les yeux et de répondre à cette question : où est-ce que tu te vois accoucher?
Ma réponse est instantanée : chez nous!

Chez nous??? Un trois et demi non-rénové, au deuxième d’un sixplex en carton. On est loin de l’atmosphère sécurisée d’un hôpital. Pourtant. Je ne sais pas pourquoi, cette option s’impose comme la seule possible. Une décision ni radicale, ni idéologique, et encore moins rationnelle. Une conviction, toute simple : j’ai la capacité de donner naissance à mon enfant dans le confort de mon foyer.

Inévitablement, cette décision a été accompagnée d’une levée de boucliers.  Parents et amis, collègues de travail, même de purs étrangers ont trouvé à redire.  Au mieux on m’a qualifiée d’idéaliste « tu verras bien quand les douleurs commenceront ». Au pire on m’a jugée carrément irresponsable « c’est-tu légal ça? ». On m’a presque souhaité une césarienne « pour m’apprendre la vie », et on m’a servi et resservi cet argument massue : « avec TOUT ce qui peut arriver ».

Pour moi, TOUT inclut aussi le meilleur scénario possible. Je fais donc le premier choix de mon parcours de mère, avec lucidité : celui de faire confiance. Je connais les risques reliés à toute naissance. Je suis épaulée par des professionnelles compétentes et expérimentées. Alors, je me prépare sereinement à accueillir notre bébé dans l’amour, dans la douleur, dans… notre appartement. 

40 semaines pile! Vers 23 h, je ressens les premières contractions. Je vais aussitôt dans le bain pour constater qu’elles reviennent toutes les quatre minutes. Mon chum appelle la sage-femme qui lui répond calmement qu’elle s’en vient.  On se regarde, ahuris et nerveux. Puis, je ressens un immense soulagement. Je n’ai à aller nulle part. Je peux rester dans ma salle de bain, à apprivoiser les signaux que mon corps m’envoie. Je plonge profondément en moi.

 Crédit photo : Josué Bertolino

Notre sage-femme arrive à minuit pile. Je fais des vocalises dans le bain en me répétant cette phrase magique d’Isabelle Brabant : « La meilleure façon de sortir de la douleur, c’est d’y entrer ». Je reste quatre heures dans l’eau, à la lueur des chandelles.  Les contractions viennent une à une, je suis calme, centrée. J’ai mal, mais la douleur ne broie pas ma chair, je surfe la vague.  Je me dépose dans les bras de mon amoureux qui me reçoit.  Nous sommes soudés, cœur à cœur, nous accouchons ensemble.
 
Vient le moment où je ressens le besoin d’aller dans ma chambre, de rentrer dans ma tanière. J’ai tellement d’endorphines que nous arrivons à faire une sieste en cuillère pendant près d’une heure. Rien ne vient déranger notre bulle : pas d’examen vaginal, pas de moniteur… Notre sage-femme s’approche doucement toutes les 30 minutes afin d’écouter le cœur du bébé. Il suit la vibe d’un rythme régulier. Au lever du soleil, le travail s’intensifie, puis vient la poussée, impérieuse. Accroupie sur le plancher, je prends un temps d’arrêt, incrédule. Notre bébé va bel et bien naître ainsi, chez lui…  Je me sens libre, puissante.
 

Crédit photo : Josué Bertolino
 

Notre petit garçon est né à 7 h 57, au pied de notre lit. Il a eu besoin qu’on aspire les sécrétions de ses poumons. Une autre sage-femme était justement arrivée un peu plus tôt pour s’occuper de lui à sa sortie. Une fois les poumons dégagés, notre bébé n’a pas pleuré. Il nous a regardés attentivement, de son profond regard de sage, puis il a pris le sein. C’était si simple, naturel et magnifique. Férocement intime aussi.
 
Trois heures plus tard, nous étions seuls, au lit avec notre fils. L’aide natale avait tout nettoyé, fait à déjeuner, mis des draps propres. Les sages-femmes avaient remballé leur matériel et filé vers une autre naissance.
Notre vie de parents commençait.  

 

                                                            Crédit photo : retardateur
 

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