Lire la première partie ici.
Avant 20 h 15 : je suis à l’hôpital depuis environ 10 heures, mais l’inquiétude a monté d’un cran depuis mon arrivée. On me donne des médicaments pour arrêter les contractions, qui sont toutes les deux minutes depuis la perte du caillot. On me fait aussi une injection pour aider les poumons du bébé à mieux se développer au cas où j’accouche. La deuxième dose est prévue vingt-quatre heures plus tard. Je ne me rendrai pas là…
Aussitôt que les médicaments font effet, on me transfère d’urgence en ambulance à un autre hôpital, puisque celui où je suis n’est pas équipé pour prendre soin d’un bébé de 30 semaines.
Ma limousine de luxe (sans sirène, quand même), pour aller vers l’inconnu. Source : Wikimédia
21 h à 4 h : Arrivée au deuxième hôpital. Le transfert a malheureusement réactivé le travail. Mon chum, qui est arrivé de la maison avant l’ambulance, est à mes côtés.
L’ambiance est lourde : on m’interdit désormais me lever, on me fait passer une panoplie de tests invasifs pour être sûr que je n’amène pas de bactéries de l’autre hôpital. L’atmosphère est surréelle, je suis apeurée et je me sens agressée.
Entre-temps, une néonatologiste (un médecin spécialiste des nouveau-nés) nous explique « c’est quoi, un bébé de 30 semaines ». En gros : les risques de handicaps majeurs sont plutôt minces. La médecin se veut douce et rassurante, mais je capte quand même au passage les mots « problèmes digestifs, cardiaques et respiratoires » et « probabilités plus élevées de troubles du comportement ».
Lundi, 4 h du matin : on m’annonce qu’on doit m’amener en césarienne, car le bébé se présente carpé, tête et pieds ensemble dans le col, et ne peut sortir de cette manière. Un long cri, le mien, envahit le corridor. Je me sens flotter au-dessus de mon corps alors qu’on me pousse d’un pas rapide vers la salle d’opération, entre les containers à déchets. Désormais, je ne m’appartiens plus. Je veux juste que cette histoire d’horreur finisse vite et bien.
5 h 08 : Naissance de ma fille, qui pèse 3 livres. On la colle sur ma joue, elle est si belle… On part avec elle en courant, je ne la reverrai que 12 heures plus tard, branchée de partout, dans un incubateur. Commence alors la folle aventure de la néonatologie, mais aussi une série de deuils sur une maternité normale…
Avez-vous vécu un accouchement prématuré?