Ça a commencé de façon insidieuse. Un pyjama, sauvé in extremis de la batch de « linge de fille ». Un pyjama violet, avec des chats verts et roses. Trop cute pour un bébé de trois mois. Je lui ai mis une fois, deux fois… À la troisième, mon chum y est allé d’un commentaire. « Tu ne trouves pas qu’il a l’air d’une fille là-dedans? »
Les mois passent, et suivent les saisons. Les petits vêtements roulent à une cadence folle. Un jour, mes yeux s’attardent sur la pile de linge du petit qui attend de se retrouver dans le tiroir. Je suis mortifiée! Du bleu, du bleu, et rien que du bleu!
J’avais pourtant juré qu’on ne m’y prendrait pas.
Je suis féministe. J’aspire à élever un garçon qui se sentira libre d’exprimer toutes les facettes de sa personnalité. Qui assumera son côté masculin et féminin. Plus facile à dire qu’à faire. Les stéréotypes relatifs au genre sont tenaces et viennent nous chercher dans nos derniers retranchements. Une minute d’inattention, et nous voilà submergés dans le grand bleu.
Si j’avais été la maman d’une fillette, peut-être que mon combat aurait été un peu plus évident à mener. J’aurais fait comme certaines de mes collègues et évité sciemment le rose, l’armée des princesses, tout ce qui ressemble de près ou de loin à un tutu.
Je suis consciente que de ramener l’identité de genre à une question de vêtements est simpliste. C’est beaucoup plus compliqué que ça. Ma collègue Manon en a d’ailleurs long à dire sur le sujet.
C’est juste que je suis sidérée par la façon dont on conditionne les garçons à devenir « des hommes, des vrais », et ce, dès le berceau. Par le fait qu’on porte un jugement et qu’on attribue un code de couleur à des bébés qui n’ont aucune conscience de cette dualité.
Il n’y a qu’à faire un tour dans n’importe quel rayon de vêtements pour bébés pour se le prouver. Papillons, fleurs et froufrous roses ou violets d’un côté. Rayures, dinosaures et trucs qui font Vroum Vroum de l’autre. Le tout en rouge, en gris… en bleu!
Ça peut paraître anodin, mais ce code de couleur représente autre chose à mes yeux. Quelque chose de grave, comme l’annonce d’un conformisme à venir. D’un petit garçon qui fera rire de lui s’il ose aimer le mauve. D’une sensibilité réprimée. D’un univers limité non seulement au niveau chromatique, mais aussi au niveau des comportements attendus et acceptés.
Mon fils est encore petit. Il aime le gaspacho et le saumon fumé. Il aime la musique, les jeux d’eau et les aimants sur le réfrigérateur. Il se fout bien de la couleur de ses vêtements. Je ne l’empêcherai pas d’avoir ses préférences. J’espère seulement que sa palette de couleurs sera aussi riche que son esprit sera ouvert.
Crédit : Josué Bertolino
Comment on fait pour élever un garçon sans que son horizon ne soit teinté de bleu foncé?