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La charge mentale et émotive ou le travail invisible des femmes
Crédit: Kubko/Shutterstock

J’ai mis beaucoup de temps à me dire ouvertement féministe. C’est que j’ai longtemps pensé que seules les militantes pouvaient se définir comme telles. Je me serais sentie imposteur d’utiliser ce terme. C’était quoi mon implication concrète?

À 24 ans, je suis devenue maman et je crois que ma parentalité (et la rencontre de femmes fortes et impliquées) a joué pour beaucoup dans mon affirmation en tant que féministe. La maternité m’a remis en pleine face beaucoup de petites inégalités que les mamans de mon entourage et moi-même pouvions vivre au quotidien. J’ai réalisé que nous étions plusieurs à livrer de petites luttes féministes au sein même de nos foyers.

Je crois que pour toutes femmes se considérant ne serait-ce qu’un tantinet féministes, les dernières semaines ont été drainantes. Voir des porte-parole de la cause féministe prendre un peu de recul parce qu’elles sont trop épuisées tout comme voir qu’il faut encore expliquer la pertinence de la Journée internationale des droits des femmes nous démontre que la lutte est encore loin d’être gagnée.

La semaine dernière, un pdf traitant du concept d’emotional labor (que je traduirai ici par « charge émotive ») a fait surface dans mon fil Facebook. La lecture du document, tout comme de la discussion qui en a découlé, m’ont un peu scié les jambes. Ça fait présentement trois jours que le sujet me trotte dans la tête, que j’en parle avec des amies (mamans comme nullipares) et partout le constat semble le même : même dans les couples qui se considèrent comme égalitaires, où le partage des tâches ménagères ou des soins aux enfants semblent équitables, un problème persiste. La charge mentale et émotive semble par défaut reposer sur les épaules des femmes. Et croyez-moi, on ne les appelle pas charges pour rien. Elles pèsent lourd. Elles épuisent les femmes. 

Si vous n’êtes pas familiers.ères avec le concept de charge mentale et émotive, il s’agit de toutes les tâches non visibles qu’une personne va accomplir pour faire en sorte que la vie de son unité familiale tourne le plus rondement possible. Prises individuellement, des tâches comme la prise de rendez-vous, l’inscription des enfants aux activités parascolaires, la gestion du calendrier familial, l’élaboration du menu de la semaine ou de la liste de courses peuvent sembler anodines. C’est l’accumulation de toutes ces tâches qui pèsent sur les femmes (et je parle ici d’un point de vue de femme blanche privilégiée, les challenges auxquels font face les femmes monoparentales, en situation précaire ou de minorité visible ont une charge émotive encore bien plus lourde). 

C’est comme avoir toujours le processeur allumé, ne jamais totalement pouvoir mettre son cerveau à off parce qu’il y a toujours de la planification et de la gestion à faire. Être la personne ressource qui pense autant à appeler un membre de la famille pour souhaiter joyeux anniversaire qu’à aller acheter du papier de toilette et du dentifrice, ça semble ben nono, mais ça tire du jus.

Ce qui m’a le plus frappée, voire attristée, dans mes échanges au cours du week-end, c’est de voir que bon nombre de femmes qui ont tenté de discuter de cette charge avec leur partenaire se sont senties incomprises. Même les hommes les plus sensibles à diverses inégalités semblaient complètement clueless lorsque le concept de charge mentale et émotive a été énoncé? Je ne suis pas ici pour vous faire la leçon messieurs, mais expliquez-moi comment serions-nous censées aspirer à vivre en société de façon égalitaire si, au sein même de nos foyers, nous n’arrivons pas à nous faire entendre par les êtres aimés? 

Comme pour tout sujet sensible, il est humain de se mettre sur la défensive lorsqu’on sent qu’une discussion tend à nous reprocher des comportements que nous avons qui peuvent être problématiques. Mais en ce moment, les femmes de tous horizons sont épuisées. Je n’ai pas de solutions tangibles à proposer, mais je crois profondément que le premier pas à faire serait de tendre l’oreille et d’en discuter ouvertement. Écoutez votre partenaire même si elle vous parle d’un concept qui peut vous sembler flou. Il y a de fortes chances que vous ne soyez pas conscients de tout le travail invisible et non quantifiable qui repose sur les épaules de beaucoup de femmes simplement parce que vous avez été socialisés de sorte que ce travail soit justement invisible à vos yeux, puisqu’il ne vous concerne pas directement. Someone’s taking care of it. Et cette personne est possiblement l’être aimé.e.

Avez-vous déjà discuté de charge mentale ou émotive avec votre partenaire?

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