Ce soir j’aurai une aiguille plantée dans le ventre. Pour la première fois. Je commence les traitements in vitro. Après quatre ans de pleurs, des tests médicaux, d’incertitudes, d’anxiété, de désespoir, on est rendus là. Je suis étrangement sereine.
Certes, j’ai bien failli défaillir quand j’ai vu la fameuse aiguille, ce matin, avec l’infirmière. Pas que j’aie si peur des aiguilles et des injections. Il y a un peu de ça, c’est sûr, mais j’avais aussi peur de tout ce que ça représente. La souffrance et la lourdeur d’un processus qui devrait pourtant être si naturel, si beau, si doux, entre plaisir et excitation. Le résultat d’une étreinte. Pas de prescriptions, d’injections, de prélèvements, d’implantation. Un processus exempt de souffrance physique et psychologique. Loin de l’anonymat du processus médical.
Comme pour m’encourager, il y avait les deux enfants les plus cute dans le métro. J’en vois très rarement sur mon trajet pour le travail. Mais aujourd’hui, ils étaient là. Elle, deux ou trois ans, la tuque mauve trop grande pour elle. Le petit pied nonchalant, le plus beau des petits minois. Lui, un peu plus vieux, l’arcade sourcilière recollée par un diachylon, le sourire espiègle, le pas léger.
Deux petites frimousses qui me rappellent pourquoi je m’inflige cela, pourquoi on accepte cette souffrance, mon mari et moi. Avec aucune promesse à la clé. Un fol espoir peut-être. Se donner une possibilité.
Après avoir accepté que ce ne soit peut-être jamais possible. Une ultime tentative. Un quinze jours un peu suspendus dans le temps, au milieu du tourbillon de ma vie.
Je suis restée dans un état second quelques heures après mon rendez-vous, incapable de me concentrer sur les futilités du travail. L’esprit embrumé par ma rencontre avec le possible. Une autre dimension. Avec le bonheur, peut-être, au bout d’une aiguille.