Si vous avez manqué la première partie, vous pouvez la lire ici.
À ma deuxième grossesse, je me réveille la nuit et je me sens prise dans un étau, la bedaine me serre, j’ai le sentiment que ma cage thoracique se ferme sur moi et que si je ne reprends pas le contrôle, mon bébé ressentira toute cette anxiété. Je culpabilise, inévitablement.
Mon couple bat de l’aile, on achète une maison, on fait des rénos. J’en arrache, je suis fatiguée, j’ai la sainte chienne d’accoucher parce que la première fois, t’sais… 42 heures de travail actif. J’ai droit à un monitoring chaque semaine à partir de 34 semaines de grossesse. Une hormone un peu basse, ça ne veut sûrement rien dire, me dit-on. Quand même, vaut mieux surveiller au cas.
C’est un cercle vicieux : anxiété, culpabilité, anxiété, culpabilité… à l’infini.
Déclenchement no2, mon corps ne comprendra donc jamais. Nouvelle technique prometteuse pour forcer mon col à dilater, après 4 heures je suis à 6 cm. WOW!
Puis plus rien, des contractions provoquées qui font mal, mais pas de travail. Éventuellement, le cœur de ma fille décélère. À. Chaque. Contraction. Bas, très bas. Le seul gynécologue présent à l’hôpital is nowhere to be found.
Je supplie qu’on me fasse une césarienne, je demande qu’on arrête de provoquer mes contractions, je menace d’arracher mon soluté, rien n’y fait. J’ai peur pour mon bébé, je suis incapable de décoller mes yeux du moniteur que je regarde monter et descendre aux deux minutes. J’ai l’impression d’être témoin de mon propre accouchement.
Le médecin arrive en courant, finalement. Pas de césarienne ma belle, qu’il me dit. Mon col n’est pas encore complètement effacé, mais je dois pousser. Pas le droit à l’erreur, c’est maintenant. J’ai poussé cinq fois. Entre la quatrième et la cinquième, le médecin a crié pour les pinces : ma fille avait deux tours de cordons, chaque contraction l’étouffait depuis bientôt trois heures.
Elle est plus petite que prévu, un petit 7 lb 1, alors qu’on m’annonçait 8 à 9 lb.
Mon placenta ne coopère pas. Il faut aller le chercher manuellement, mais il se défait en mille morceaux, si bien que le médecin doit refaire le puzzle sur la table à côté. Il finit par dire : « C’est vraiment un petit placenta pour 42 semaines. »
J’avais bien lu, dans les méchants internet, que l’hormone plus basse qu’à la normale était souvent signe d’une défaillance du placenta. Mais, qui suis-je?
Chaque journée suivant la naissance de ma fille, j’avais peur. Peur qu’elle meure, peur que ce qu’elle avait subi avant et pendant mon accouchement la rattrape et me l’enlève.
J’ai eu peur jusqu’à m’empêcher de dormir jusqu’à ses 4 mois, jusqu’à une nuit où j’étais tellement anxieuse que j’ai pensé moi-même mourir de douleur et de peine. J’ai consulté dès le lendemain. Mon vieux et fidèle médecin de famille m’a prescrit une petite dose d’antidépresseurs que j’ai prise jusqu’à tout récemment « pour remettre mon thermostat de sérotonine au niveau », m’ a-t-il dit. J’ai aussi fait une thérapie cognitivo comportementale, qui m’a beaucoup aidée à remettre mes perceptions et mes idées de catastrophe en place.
Pendant les quatre mois qui ont suivi la naissance de ma fille, j’ai été en mode survie, pour elle et pour moi. Je pourrais m’autoflageller de « j’aurais donc dû », mais à quoi bon maintenant. Mes filles sont toutes les deux en pleine santé et c’est tout ce qui compte.
Ce qui compte aussi, c’est d’en parler. Je n’aurais jamais pu imaginer la quantité d’entre nous, jeunes mamans, qui souffrons ou avons souffert d’anxiété post-natale. En parler, c’est se permettre d’être des mères authentiques et imparfaites. C’est aussi se libérer, comprendre pourquoi certaines d’entre nous ont le « laisser-aller » plus facile, pourquoi d’autres capotent à la vue de la moindre goutte de morve.
Juste comprendre, ça fait déjà du bien.