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La question des poils
Crédit: Caroline Scott

J’ai toujours été une fille complexée et la femme que je suis devenue a gardé l’adjectif.
Je n’ai jamais correspondu à l’image que je désirais projeter, la mode adolescente était rarement adaptée à mon corps précoce, je n’arrivais pas à me trouver un style (mes amies du secondaire se souviennent de mes pantalons bleu poudre).
Y a eu l’apprentissage de l’horreur des poils, des cernes, du gras, de la peau sèche ou grasse, des seins pas assez fermes, de la fesse pas assez douce, rebondie, des cuisses molles, du cheveu sec et ce, très tôt dans mon univers.
Certaines filles échappent à tout ça et, si je les méprisais plus jeune, peut-être par envie, force est d’admettre qu’elles ont été plus solides que moi de s’en foutre et si rapidement dans la vie.
Le temps a passé et j’ai changé, je suis moins inquiète de mon image, mais je suis esclave de plusieurs routines inhérentes à l’esthétisme. J’essaie de ne pas trop exposer Angélik à tout ça, peut-être parce que ma mère ne se maquillait pas. Je crois qu’inconsciemment, je trouve étrange l’image d’une maman qui se pomponne ouvertement parce que je le fais pour combler une insécurité.
Proximité oblige, ma fille est tout de même familière avec mes rituels parfumés et m’observe souvent; mon corps de femme est depuis longtemps détaillé, analysé, questionné et comparé.
Dernièrement, elle me regardait raser mes jambes quand brusquement elle m’a demandé :

«Maman, pourquoi c’est juste les filles qui se rasent les jambes? On est obligées?»

Chère enfant qui me prend au piège dans ma douche rose nanane; je suis coincée, le rasoir en l’air, les jambes pleines de savon. Je réponds qu’il y a aussi des hommes qui se rasent et que non, on est pas obligées.

«Mais toi, tu te rases. Pourquoi tu le fais si t’es pas obligée?
– Je préfère ça, c’est tout.
– Oui mais pourquoi?
– Parce que je suis habituée comme ça.
– Je pense que je vais me raser aussi quand je vais être grande.
– T’es pas obligée si t’as pas envie, y a des femmes qui se rasent pas les jambes et c’est bin correct comme ça, C’est un choix personnel.
– Tous les goûts sont dans la nature!
– Voilà. Bon, j’ai besoin de la place, excuse-moi cocotte.»

Elle sort et moi, j’ai chaud. Nous approchons des discussions sur le corps et les diktats esthétiques féminins auxquels la plupart des demoiselles se soumettent, dont moi. Ça m’inquiète et me réconforte à la fois de savoir qu’elle posera d’autres questions : j’ai la possibilité d’aider ma fille à grandir avec son corps dans un univers quelques fois cruel qui lui mettra en tête des normes féminines impossibles à atteindre. C’est donc avec un gros effort que depuis les dernières années j’ai commencé à sourire quand on me complimente, à acquiescer quand elle dit que je suis la plus belle mère du monde; chaque jour je dois apprendre moi aussi et tenter de lui montrer par l’exemple qu’être femme et bien en soi, ça va au-delà du corps et de quelques poils.

Vous êtes le style de maman plus coquette ou naturelle? Est-ce que vous cachez certains rituels beauté à vos enfants?

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