Mon chum ne m’a jamais parlé de la profondeur de sa peine lorsqu’il est devenu papa. Encore aujourd’hui, je me demande jusqu’où j’aurais pu le perdre. Je repense à sa détresse, celle de nombreux hommes qui gardent ça sous silence.
Sa paternité à lui a commencé avec ma grossesse de merde. Hospitalisations par-dessus hospitalisations, mon chum a toujours été derrière moi. Ça va bien aller qu’il me disait. On va s’en sortir, on va tellement être heureux. Moi-même à la fin, j’avais peur de ne pas l’aimer cet enfant tant il me faisait souffrir. Mon chum était mon roc et me promettais un futur que j’avais déjà si hâte de vivre.
On m’a provoquée le 18 octobre 2011, bébé n’allait pas bien qu’ils disaient. Son cœur n’était pas assez fort, il ne prenait pas de poids. Il pesait 4lbs à sa naissance. On nous expliquait que nous n’étions pas compatibles, que notre fils combattait nos anticorps.
Tests après tests, les hypothèses s’enchainaient. Un soir nous avons reçu un appel, on nous annonçait notre rendez-vous avec le médecin le lendemain. Mon conjoint devait obligatoirement y être! C’est comme ça, sans tact que nous avons appris, le 13 décembre 2011, la trisomie de notre fils.
…
BLACK fucking OUT! Mon chum a cessé d’exister. Lui qui avait été tellement présent n’était plus capable de me parler, ni me regarder. C’en était trop pour lui. Plus capable d’être fort. Je m’occupais seule de notre fils 24h/24. Lui, il était pas là, même en étant là…
2 mois sans un mot, un regard. Sa peine, ma peine, tout ça était si palpable. J’étais complètement épuisée et impuissante à sa détresse. J’ai angoissé, mon dieu que j’ai angoissé. «Il va me quitter, il ne m’aime plus, je lui ai donné un fils malade qu’il ne veut pas.»… C’était ça dans ma tête.
Malgré tout, je comprenais sa peine. J’aurais tant voulu pouvoir le consoler. Lui dire à mon tour que tout irait bien. Je n’en avais pas la force, j’étais trop peu convaincue que ça irait si bien que ça.
Un jour je lui ai dit que j’allais le quitter s’il ne me parlait plus. Il m’a regardée. Tranquillement, il a émergé de sa léthargie. Il s’entêtait à ne pas vouloir d’aide. Même s’il ne s’imaginait pas devenir papa comme ça, il survivait à sa détresse. Quelque fois, j’ai l’impression que cette peine le guette encore, mais un jour à la fois il s’ouvre, il parle, il essaie réellement d’être en paix avec tout ça.
La santé de notre fils va comme une montagne russe depuis presque 3 ans, mais nous sommes là, défiant toutes les foutues statistiques de séparation. Avoir un enfant c’est prononcer en silence la phrase «pour le meilleur et le pire».
Aujourd’hui, j’ai compris que pour notre bien nous ne pourrons jamais être émotionnellement à la même place en même temps. Nous serons, à notre tour, présents l’un pour l’autre. La qualité de vie de notre fils dépend du bonheur de son père, du mien et du nôtre.
Vos hommes ont déjà eu des «papa-blues»?