J’vous fais un petit spécial prose cette semaine. Parce qu’un accouchement, ça se raconte mieux de même qu’en bédé.
Trois jours avant ma date de péremption, j’avais rendez-vous dans un café passablement loin de chez moi avec des amies. Je prends le métro. À Berri-UQAM, sur le quai de la ligne orange, y arrive de quoi d’un peu spécial : ça coule dans mes culottes. Pas une grosse chaudière comme dans les films là, juste un p’tit peu, juste pour dire que c’est bizarre et que je sais pas si j’me suis un peu pissé dessus.
Je me rends quand même au rendez-vous et on grignote et on jase. Je vais aux toilettes souvent pour voir si ma serviette sanitaire est imbibée de liquide amniotique, mais y a tellement pas grand chose que j’sais même pas si c’est des pertes/de la sueur/du pipi/mon imagination. Tout ce que je sais, c’est qu’à chaque fois que je change un peu de position sur mon banc, ça coule un peu plus dans mes culottes.
Je finis par appeler à la salle d’accouchement. On me suggère d’aller chez moi ramasser mes affaires et de me rendre à l’hôpital. Ma sœur vient nous chercher, vraiment énervée, tandis que mon chum et moi, on est plutôt incrédules. C’est clair que je me fais des idées et qu’ils vont nous retourner chez nous, j’ai pas de contractions, ça serait ben trop l’fun si j’accouchais aujourd’hui, voyons.
Je suis admise en salle d’accouchement pour observation. C’est long. On dit des niaiseries, on y croit pas, c’est mon premier bébé, c’est sûr que j’accouche deux semaines en retard, toutes les matantes me l’ont dit.
L’infirmière revient avec les résultats: «C’est bien du liquide amniotique. C’est aujourd’hui que ça se passe!».
Les contractions sont parties soudainement, intenses et rapides. On a percé mon sac amniotique pour que le reste de mes eaux sorte et j’ai eu ben mal, ben longtemps. Après dix heures de travail, on vérifie mon col.
L’épidurale, c’est super. Par contre, j’me serais bien passé d’avoir les jambes mortes tout le long de l’accouchement. Mortes, paralysées, kaput. Je suis incapable de soulever mes jambes à la poussée et c’est vraiment weird comme sensation.
Y a un moment de panique vers la fin de la poussée. Mon bébé a le cordon bien enroulé autour du cou et elle manque d’oxygène. Sans même que je m’en rende compte, on me fait une épisiotomie d’urgence pour la sortir de là. Le médecin tient une petite fille dans ses bras, toute blanche, molle et silencieuse. On la dépose sur moi environ cinq secondes, durant lesquelles je fais de la grande poésie.
J’ai même pas vu son visage qu’on la met dans un incubateur pour l’examiner. On me dit que tout va bien, mais ils ont besoin de plus d’infirmières. Mon chum me dit qu’elle est belle. Moi, je vois rien et je peux pas bouger. On l’emmène à la pouponnière. Je l’ai à peine vue. Le placenta est sorti, on me recoud, c’est fini, on est seuls dans la chambre. Un gars, une fille, une bédaine en moins et pas de bébé.
Deux heures et un affreux repas d’hôpital plus tard, on me pousse en chaise roulante jusqu’à la pouponnière pour que je puisse enfin tenir ma fille dans mes bras. Diagnostic : hypoglycémie et forte anémie, mais ça va passer, plus de peur que de mal. Y a un peu de couleur sur ses joues.
Je suis maman. Je suis en amour.
P.-S. : J’l’ai pas mentionné, mais le combo soluté/pousser ben fort comme si on expulsait une pastèque de son anus m’a rendue complètement méconnaissable. Le visage m’a enflé jusqu’à me donner des airs de Bonhomme Michelin, avec en plus un paquet de petites veines explosées partout. Bref, une chance que la visite avait le bébé à regarder au lieu de ma face.
C’est mal me connaitre. <3