Qui ne s’est pas déjà fait servir le «T’es trop petit(e) pour comprendre»? Je pense sincèrement que personne n’y a échappé. Ça me faisait sacrer avant que je sache sacrer, et surtout de l’entendre de la part de plusieurs adultes que j’estimais. Je ne comprenais pas en quoi mon âge signifiait mon manque d’aptitude à comprendre la vie. En vieillissant, j’ai dû admettre que c’était bien vrai tout ça, que le temps a son importance dans tous les apprentissages et qu’il n’est pas négociable à la bonne compréhension de ce qui nous entoure. Puis je suis devenue maman, bien avant d’avoir compris la vie et me suis juré de ne jamais dire cette terrible phrase à ma fille.
Hé bien, comme le trois quart des résolutions qu’on se prend avec la bedaine lourde, elle a rapidement pris le bord (accompagnée des «je laisserai jamais mon enfant regarder la télé» et des «Elle n’aura pas de suce elle, oh non!»).
Sauf que j’ai été agacée de devoir le dire, de rompre ma promesse et j’ai essayé quelque chose d’autre, une méthode un peu moins déplaisante à entendre, des petits mots de plus pour ne pas mettre le poids de l’incompréhension sur Ange, mais bien sur la vie elle-même.
Voici une discussion récente dont je tairai le sujet parce que trop personnel :
«- Mais la maman [question beaucoup trop intense pour la mère que je suis]?
– Bin… [tentative de réponse de la mère que je suis].
– Je comprends pas.
– Je comprends que tu comprennes pas, c’est pas évident à comprendre comme sujet. J’ai moi-même de la difficulté à te l’expliquer.
– Mais je veux comprendre!
– Tu verras, avec le temps, y a des réponses à des questions qui viennent toutes seules et tu seras probablement contente de pouvoir les trouver par toi-même.
– Tu connais pas toutes les réponses?»
J’oublie souvent que les enfants voient leurs parents comme des dieux ayant la science infuse.
«- Oh non, je connais pas toutes les réponses! J’apprends des choses tous les jours encore.
– T’aimerais pas ça connaitre toutes les réponses?
– J’sais pas… j’pense que la vie serait plate. Ça servirait à quoi d’exister si on savait tout sans avoir besoin de faire des expériences pour trouver nos réponses?
– Des expériences comme avec du colorant?
– Non, je parle d’expérimenter des choses, vivre des nouvelles situations, tout ça…
– Je comprends pas vraiment, maman.
– Ok bin, le meilleur exemple que j’ai trouvé pour expliquer qu’il fallait laisser le temps agir, c’est celui de la fleur.
– La fleur?
– On verra jamais la nature pointer un fusil sur un bulbe de fleur pour lui ordonner de pousser plus vite. La fleur a son propre rythme, prend son temps, trouve une manière d’atteindre la lumière du soleil et un jour, elle est prête à éclore. Avec le temps, c’est pareil : il faut le laisser passer, être patient, juste vivre et un moment donné, on se rend compte qu’on était prêt, qu’on a vécu des choses et on trouve des réponses, comme la fleur a trouvé le soleil et le moyen de fleurir.
– Je comprends mais… pas vraiment.
– Bah tu sais chérie, fais la fleur : laisse-toi le temps, un jour tu vas comprendre.
– Mais je veux savoir tout de suuuiiiiiite… »
Si ma fille était une fleur, elle serait clairement une perce-neige.
Comment vous négociez les questions dont les réponses sont difficiles à expliquer? Vous avez trouvé une phrase miracle pour remplacer le «t’es trop petit(e) pour comprendre»?