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Chronique infertile : c’est de MA faute.
Crédit: Anne Genest

Les sept ans que j’ai passé en cliniques de fertilité m’ont laissée des marques. Si bien que j’avance dans la maternité avec les yeux écarquillés. Un rien m’étonne. Un détail est prétexte à vous écrire la fabrication que je subis et celle de mon bébé, conçu in vitro. Ça vous dit?


***
C’était de MA faute. Tellement de ma faute que je me le disais tout bas. Tellement de ma faute que les médecins et les AUTRES et les amis et les proches me le répétaient tout haut. À chaque visite médicale, le même diagnostic était posé : j’étais une fille vide. Mon corps n’avait aucune utilité. Je ne produisais rien. J’étais stérile.

Je n’existais pas vraiment. J’étais un corps dans lequel on plantait des seringues. J’étais une éponge qui avalait des litres d’hormones. J’étais cette peau constellée d’ecchymoses. 

Je vivais sans. Sans atteindre quoi que ce soit. Ni enfant, ni carrière.
Je portais une cage d’os

J’avais offert mon utérus à la science. Les médecins y plantaient leurs mains et, parfois, les spermes d’un amoureux qui, l’hiver, affrontait le froid, traversait la ville, une fiole entre les cuisses qu’il allait remettre au laboratoire.

Je souffrais d’insuffisance hypothalamo-hypophysaire (peut-être). Les médecins n’étaient pas certains.

Ce qui était clair, c’est qu’à partir du décès de ma mère, le temps s’était interrompu et ma respiration, et mon cycle menstruel, et mon cycle ovarien.

Les psys, l’acuponcture, la méditation, les cures, tout avait été tenté sans résultat. Parce qu’en réalité, c’était de ma faute. C’était à moi d’oublier. 

Les amis, les proches, chacun avait sa théorie sur l’origine de mon problème. J’étais trop maigre, trop stressée, pas assez détendue. Je voulais trop. J’y pensais trop. Je ne mangeais pas assez. Je n’adoptais pas la bonne position sexuelle lors des rapports (chut!). 

Bref, je devais me faire à l’idée d’être sans enfant. Même que c’était Dieu qui tentait de me le dire à travers cette série d’échecs. Ha!

Et parce que ces paroles (dites et redites) ne soulignaient pas assez mon handicap, j’étais celle qu’on n’invitait pas aux showers, aux anniversaires d’enfants, aux fêtes tout court. Il y avait là trop de gamins et apparence que cela allait me rendre triste! Ce qui me chagrinait, surtout, c’était le fait d’être coupée des autres parce que je n’avais pas de bébé. 
 


Crédit photo : Anne Genest.

 

En fouillant dans les z’internets pour comprendre ce qui n’allait pas, je voyais bien que, dès le début, j’avais tout fait de travers. Tout m’avait conduite à l’infertilité : les gaz d’échappement que j’avais respirés, enfant, rue des Pauvres, le bisphénol et les phtalates absorbés par les contenants de plastique, les soupes cheaps de nouilles trop salées (4 pour une «piasse») que j’ingurgitais étudiante, le trop de café que je buvais au litre depuis l’université.

C’était même gravé dans mon nom. J’étais Anne, la stérile, comme dans la Bible.

Il me restait donc l’idée d’un miracle. Oui, j’étais rendue là.

Et l’inouï se produisit. Un jour de suicide où un corps se précipita sur l’autoroute que nous traversions, je subis le transfert de mon dernier embryon (le troisième, mon dernier souhait). Ce jour-là, comme dans les Évangiles, une existence s’accrocha à la mienne. 

Laure a aujourd’hui six mois et deux semaines de bonheur.

Que pensez-vous de la stérilité. Qui doit porter le blâme?

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