J’étais enceinte. Je voulais savoir. Nous voulions savoir.
Nous avions demandé à la technicienne d’écrire le sexe du bébé sur un bout de papier et de le mettre dans une enveloppe. Nous l’ouvririons plus tard, seuls.
Nous sommes rentrés à la maison et je passe ici un de plusieurs événements troublants qui se sont produits cette journée-là — autre billet à écrire un jour peut-être. Nous nous sommes fait un petit tête-à-tête, assis sur des coussins par terre, chandelles, morceaux de chocolats et fraises, yeux amoureux, et nous avons ouvert l’enveloppe. Notre rituel est né, je crois. Nous avons lu les mots suivant sur le bout papier : It’s a girl.
On a pleuré.
Beaucoup.
De joie.
Secrètement, c’est ce qu’on voulait les deux. Là, on pouvait enfin se le dire. Rire, sourire, se regarder, s’aimer.
J’étais si heureuse. Mon rêve. MA bébé!
MAIS, avec la venue d’une fille, il y’a aussi un univers d’inquiétudes. Les inquiétudes normales de tout parent d’une fillette vous direz, mais, de surcroît, les inquiétudes qui viennent de mon intérieur profond, celui qui suit le chemin d’une vie, ma vie, meublée à essayer de faire la paix avec mes propres blessures; abus et agressions.
Avec le mouvement qui est né dans les derniers jours, ainsi que le pendant francophone de #BeenRapedNeverReported, soit le #AgressionNonDénoncée, j’ajoute ici ma voix pour briser le silence.
Je ne vous raconterai pas mes histoires d’agression, mais je veux simplement dire que je fais partie d’un trop grand nombre de femmes victimes d’agression sexuelle.
Briser le silence, cesser d’entretenir les tabous. À go, j’y vais.
Je ne veux pas faire pitié, je ne veux pas qu’on pleure pour moi.
Je veux simplement ouvrir la porte pour que ma vraie voix puisse voir le jour éventuellement. Surtout, pour que ma fille grandisse dans un monde où les femmes seront respectées. Pour que lorsqu’il s’agit d’agression, on ne fasse pas fi de ce qui est raconté, semblant que « ce n’est pas si grave », qu’on ne dise pas « tu le cherchais, t’avais trop bu/ t’étais trop habillée sexée / t’avais posé un regard qui invitait ça / tu lui avais déjà dit oui avant ». Je veux contribuer à changer ces statistiques qui donnent froid dans le dos : 1 femme sur 3 subira une agression sexuelle, 1 femme sur 5 sera violée.
Il faut mettre fin à la cachette, au secret, à l’impuissance, à la honte et à la culpabilité. Se prendre en main et communiquer un message d’espoir, si ce n’est que pour pouvoir parler, se libérer, passer à autre chose, faire la paix et créer une terre d’accueil pour toutes celles qui passent par là.
J’aimerais savoir que les femmes qui entoureront ma fille-qui-deviendra-femme n’auront pas honte de raconter leur histoire, qu’elles se sentiront écoutées et appuyées, et que ma fille aussi (#avalerdetraversenesti), si elle devait rencontrer une telle situation, serait prise au sérieux et aidée dans son processus de guérison.
Mieux encore, j’aimerais qu’il n’y en ait plus de ces histoires à raconter.
Pour elles, pour moi, pour toi.
Partageons, parlons, brisons le silence.
Vous êtes magnifiques, les femmes.