L’autre jour, lorsque je décrivais mon histoire à ma thérapeute, elle m’a arrêté et m’a dit : «Véronique, arrives-tu à être une maman?» J’étais outrée, je ne vous dis même pas! Qu’est-ce qu’une maman fait que je ne fais pas?
Anyways, je n’ai pas le temps de penser à ça. Je suis ailleurs. Je dois appeler le pneumologue, le centre de réadaptation, l’hôpital, etc. Pis là, je suis occupée; j’essaie d’en apprendre plus que Wikipedia sur la trisomie.
Depuis le début, j’ai lu un paquet d’articles sur la stimulation, acheté des dizaines de jeux beaucoup trop compliqués pour rien. J’ai fait de chaque période de temps mère-fils une activité avec un background éducatif. Je poussais fort les exercices de physiothérapie pour contrer ses retards moteurs importants. Je l’ai inscrit à la natation pour sa motricité, au yoga pour développer son tonus, aux ateliers de lecture, au soccer et j’en passe.
J’ai travaillé sans cesse sur lui, pour lui. Je voulais être la béquille dont il avait besoin. Sans m’en rendre compte, je masquais son handicap. Je ne voulais tellement pas qu’il soit juste un handicapé.
Avec le recul, je me dis que trop pousser, c’est pire que de ne rien faire. Dans les deux cas, je ne suis pas lucide. Je l’ai brûlé – et moi aussi d’ailleurs – et je ne m’en rendais même pas compte. Je le poussais à atteindre des objectifs que JE croyais réalisables, mais qui étaient beaucoup trop difficiles pour lui.
Mon Dieu, je lui mettais tellement la barre haute! Mais pourquoi? Ma travailleuse sociale avait raison, je n’étais plus sa mère, j’étais devenue sa thérapeute. Je m’en veux de ne pas avoir vu tout cela.
J’ai compris que je cachais ma peine derrière toutes mes bonnes volontés. Je voulais garder le contrôle sur ce qui ne se contrôle pas. Je voulais aller plus vite que la liste d’attente.
Il est ce qu’il est et c’est à moi de l’accepter comme tel. Jamais ce ne sera facile d’être confrontée à ses limites. C’est plus fort que moi, car je ne veux pas qu’il ait de limites.
Depuis, j’essaie fort d’être juste sa maman, chaque jour. On ne se le cachera pas, les listes d’attente pour les spécialistes seront toujours aussi longues, mais je laisse les thérapeutes être des thérapeutes. Je sais de plus en plus quand m’arrêter et je sais aussi que parfois, c’est nécessaire de le pousser. Tout est une question d’équilibre et de timing. Je l’aime inconditionnellement, je n’avais juste pas compris que ça n’a pas besoin d’être plus que ça.
Comment tentez-vous de stimuler vos enfants? Avez-vous parfois l’impression d’en faire trop, ou au contraire, pas assez?