L’idée d’accoucher m’horrifiait. J’avais changé d’idée! J’étais trop chicken pour faire sortir de mon vagin un petit humain.
Toutes les nuits de mon dernier trimestre de grossesse, je faisais des cauchemars. Parfois, je me noyais. Parfois, j’étais poursuivie par des méchants. D’autres fois, la maison passait au feu.
Comment mon petit cul pouvait-il faire sortir un bébé gigantesque? Juste d’y penser, j’avais des palpitations. Au cours prénatal, devant la vidéo où l’on voyait de vieux vagins des années 80 expulser des bébés, je m’étais presque évanouie.
Pour me rassurer (peut-être), mes amies m’avaient raconté leurs tribulations. Il y avait celle qui avait accouché sur le prélart de la cuisine avec le 911 au bout du fil. Celle qui avait choisi l’accotement de l’autoroute, à l’intérieur d’une ambulance appuyée contre une congère, dans la poudrerie d’une tempête.
Et il y avait moi qui, à 41 semaines et demie, gardais avec angoisse mon petit bébé bien serré dans mon ventre.
Rien ne marchait. Ni la tisane de framboisier ni le lavage frénétique du plancher. Mon gynéco a donc décidé de prendre les choses en mains (c’est le cas de le dire) en me prescrivant un accouchement programmé. Bref, le lundi, à 8 heures, j’avais un rendez-vous.
Pitocin + pas d’épidurale + ventouses = Aouch!!!
Après avoir essayé de décoller les membranes de mon vagin manuellement (Yéééé! C’était tellement agréable), l’infirmière m’injectait du pitocin pour provoquer artificiellement mes contractions. Deux heures après, plongée dans la lecture du récit de survie d’Edward Abbey, Désert solitaire, je ne ressentais aucune douleur! Amenez-en des contractions, j’étais prête!
Puis BAM! Elles sont apparues, les VRAIES contractions. Ahhhhh!!!!!
Cette souffrance-là, je pense que je ne trouverai jamais les mots pour la décrire. C’était une torture tellement forte que je me serais vidé tout le corps. Et c’est ce que j’ai fait. Je me suis ruée vers les toilettes et j’ai vomi ma vie pendant que l’infirmière déposait le repas sur la petite table.
Dans ma jaquette ridicule, j’étais gênée. Gênée de gémir comme un ours en me balançant, tête en bas, cheveux dans la bouche, mâchoire molle.
Je ne savais pas qu’il y aurait pire. Que mon sexe allait être fouillé par tout le monde (allez-y! Quelqu’un d’autre veut voir mes fesses en même temps?).
Que pendant quatre heures, j’allais tenter d’expulser, presque à bout de désespoir, et sans épidurale la tête de mon bébé coincée entre mes jambes.
Que l’enfant qui allait finalement sortir de moi à coups de ventouse trois fois répétés allait m’ébranler de bonheur (et me déchirer).
Les larmes aux yeux, pendant qu’une petite chose hésitante grimpait sur moi, j’ai dit à mon gigi que je l’aimais. Puis aux infirmières, puis au médecin résident, puis à l’amoureux. Puis, j’ai recommencé comme une chanson, ma déclaration d’amour à toute la planète. Après neuf ans de pratique assidue, un bébé était né de moi.