J’ai rangé mon linge taché de manger-mou et ressorti ma face de madame. Fini le « congé » parental. Les guillemets sont essentiels, parce que pour celles et ceux d’entre nous qui l’ont vécu, ce « congé » n’en est pas un. Il est clair que la personne qui l’a ainsi nommé n’en a jamais bénéficié. Ou peut-être que oui, finalement, puisque le congé parental bénéficie principalement au parent qui quitte la maison chaque jour pour le travail.
« Toujours en train de se plaindre, celle-là! »
Mettons quelques affaires au clair. J’ai eu l’incomparable chance d’être auprès de mon enfant lors de son premier sourire, ses premiers gazouillis, son premier mot, ses premiers pas et j’en passe. Si l’on m’enlevait ce droit, je serais la première à faire une montée de lait et une descente dans la rue. Mais je ne connais pas un seul parent en « congé » qui n’a pas envisagé momentanément la défenestration comme issue à son quotidien. Malgré tout, si ce n’était du fait que mes créanciers refusent de se faire payer en gratitude, je ne me joindrais pas de sitôt au cortège matinal des travailleurs blasés.
Pourtant, j’adore travailler. J’ai besoin de relever des défis professionnels, d’être un être à part entière en dehors du foyer, en dehors de mes habits mous et tachés de nouvelle mère. Sans tomber dans le discours cliché borderline condescendant que certaines mères au travail servent à outrance à celles au foyer, je ne suis pas de celles capables de tenir maison sans faire carrière.
« Branche-toé, calvaire! »
C’est ça, l’affaire. C’est que l’entre-deux est considéré comme la revendication du beurre et de l’argent du beurre et ça m’enrage.
À moins d’être une entrepreneure accomplie avec une grande flexibilité d’horaire, d’avoir un emploi à temps partiel ultra-payant ou d’avoir marié dans la famille Rothschild, pas le choix de se lancer tête première dans l’engrenage.
Mais vient vite le moment où, en tant que nouvelle mère sur le marché du travail, on se sent comme de la marde un grain de sable dans ledit engrenage. Coupable un jour de faire faux bond à son employeur pour soigner une infection étrange qui rend son enfant marbré, puis coupable le lendemain d’arriver en retard à la garderie pour traiter un dossier urgent. Être à la fois l’employée modèle et la mère disponible me semblent être des contradictions pour le commun des mortels, et ce même avec unE conjointE activement impliquéE.
La conciliation travail-famille n’est pas seulement une question d’organisation. C’est une question de gros bon sens, d’équilibre entre la promesse de répondre à tous les besoins de son enfant et celle faite à l’employeur d’être efficace et fiable. L’équilibre aussi entre la nécessité de payer ses créanciers et celle d’être là, vraiment là, physiquement ET mentalement pour sa descendance.
Je demeure convaincue que le marché du travail at large est sévèrement inadapté à la réalité des parents. Les emplois flexibles et les employeurs plus proches de leurs employés que de leurs cennes se font rarissimes. Un lot de parents rentrent à la maison avec le sentiment profond d’avoir échoué simultanément à leurs deux rôles principaux. Et là-dedans, on ne parle même pas de la vie de couple, devenue accessoire à un point tel qu’elle n’est même pas prise en compte.
Je caresse souvent le rêve de faire pousser mes légumes, de vivre humblement et d’écrire des best-sellers au son de vagues et de rires d’enfants. Mais plus souvent encore, je caresse des factures exorbitantes d’Hydro et je me demande à quoi ça rime, ce culte de l’argent…