Mes souvenirs les plus awkward d’adolescente, je les dois à mes lunettes.
La monture cheap que mes parents m’avaient offerte n’avait rien pour aider le strabisme (temporaire) qui m’accablait. Sous mes verres fond-de-bouteille mon acné progressait. J’étais laide.
Sauf que l’intrusion des lunettes dans ma vie m’a fait voir les choses différemment. J’aimais jouer à les enlever. Alors je marchais dans un monde out of focus. Tout était blurry. Je me sentais comme dans le film Deconstructing Harry, de Woody Allen.
Pour souligner le prix Nobel de littérature 2014, Gallimard vient de rééditer Catherine Certitude, du nobélisé Modiano. Ce bijou d’album jeunesse raconte l’enfance parisienne d’une danseuse, petite fille adorable, qui doit porter des lunettes. Mais ce qui devait être désagréable devient pour elle un petit plaisir de la vie. #SoCute
Car tout est doux et cotonneux quand Catherine enlève ses lunettes. C’est ce qu’elle réalise en suivant les directives de son professeur qui exige qu’elle retire ses verres pour danser. Du coup, la fillette passe son temps à se réfugier dans ce monde vaporeux, loin de la réalité plus difficile.
À quoi bon mettre le nez dans les affaires louches de son père, entrepreneur « dans les paquets »? Ce papa avec qui elle vit dans un Paris « vieille époque » en attendant de rejoindre sa mère, danseuse à New-York. Cette « maman » qu’elle ne voit qu’à travers les lettres qu’elle lui envoie.
Ce que j’en ai pensé
L’album Catherine Certitude est l’occasion parfaite pour faire découvrir aux minis l’oeuvre d’un nobélisé.
Mais attention, ce texte long et tout en subtilité risque de dissuader les petits lecteurs qui ne sont pas accompagnés. Il vaut mieux le lire en famille et en profiter pour en discuter ensemble. Est-ce que porter des lunettes est une chose agréable (ou pas)? Est-ce bon ou mauvais de ne pas bien voir le réel? Et si tout était embrouillé tout le temps qu’arriverait-il?
Le trait de crayon espiègle et funny de Sempé (celui qui a illustré Le Petit Nicolas) se marie harmonieusement avec le texte. On y trouve des perles comme celle-ci : « Nous restons toujours les mêmes, et ceux que nous avons été, dans le passé, continuent à vivre jusqu’à la fin des temps. »
À lire (et relire) à partir de 10 ans.
Y a-t-il d’autres livres jeunesse qui démystifient l’univers des lunettes?