L’an dernier, on aurait pu me qualifier de carriériste. Une femme de tête qui n’a pas peur des défis, une employée qui ne compte pas ses heures pour son entreprise, une fonceuse quoi. Je supportais la pression facilement et adorait les journées où le ciel nous tombe sur la tête. Mais par un bel après-midi ensoleillé, suite à 2-3 jours de fatigue extrême, j’ai décidé de me rendre à la pharmacie tout près du boulot sur mon heure de dîner. Et c’est aux toilettes publiques de l’étage que le petit + est apparu sur le bâtonnet!
41+ semaines de bonheur, 41+ semaines de pure extase… Depuis l’apparition de ce +, j’ai senti cette boule de bonheur, mais également de peur. Une grossesse sans aucun problème. Pour cause, je dormais facilement de 10 à 12 heures par nuit, même lorsque ma bedaine était périmée ! (Ne me lancez pas de pierres.)
Comme toute première grossesse, j’avais un million de questions, un million d’inquiétudes et une hâte sans borne pour rencontrer cette petite boule qui était en moi. Serais-je une bonne mère, serais-je à la hauteur? Tout le monde me répétait sans cesse que je serais à la hauteur, car je réussissais presque tout avec brio!
Et elle s’est montré le bout du nez, un beau vendredi enneigé. Un accouchement dans la norme, ni le rêve, ni la catastrophe. Le docteur l’a mise sur moi et … RIEN!
Je regardais cet être qui pleurait et j’avais le cerveau qui roulait à plus de 100 km/h. Mon mari auprès de moi pleurait sa joie et s’extasiait devant la beauté de cette créature. Et finalement, j’ai compris que le coup de foudre au premier regard n’était pas au rendez-vous pour moi. Mon accompagnante me parlait, me consolait et m’expliquait que l’amour viendrait au fur et à mesure, de ne pas m’inquiéter, d’apprivoiser cette nouvelle vie qui venait d’arriver parmi nous. J’étais sans mot, étais-je heureuse maintenant?
48 heures plus tard, nous voilà à la maison avec le reste de la fratrie recomposée. Nous sommes fatigués, mais c’est la réalité des nouveaux parents, right? Je tente l’allaitement maternel, mais c’est un échec sur toute la ligne. Cette petite créature ne semble pas vouloir coopérer ou est-ce moi qui ne désire pas faire le don de soi nécessaire pour que cela fonctionne? Deux méga-mastites, des crevasses, des douleurs, du sang, une montée de lait qui n’arrive pas… Je ne sais pas, je ne sais plus…
Je regarde ma fille, ses yeux bleus profonds, mais mon cœur ne crée pas le lien invisible que les parents sont supposés avoir : l’amour inconditionnel. Mon hamster dans ma tête roule de plus en plus : plus de questions, plus d’incompréhension, plus de pression, plus, plus, plus… On me conseille d’arrêter l’allaitement, d’arrêter de m’acharner, de me concentrer sur moi.
On me conseille également d’avoir 1 ou 2 nuits de sommeil convenable pour reprendre le dessus. Papa doit prendre le relais pour les prochaines 48 heures. Mais les nouvelles mamans ne sont pas censées être des Super-Woman nées? Pourquoi ces échecs arrivent-ils dans ma vie? Depuis le jour où elle est parmi nous, je cumule les échecs! Et les jours se sont succédé ainsi, avec toutes ces questions sans réponse.
Nouvelle épreuve dans ma vie de jeune maman, l’Homme retourne au travail. Je me lève le lundi matin (après 2-3 pleurs du nourrisson dans la nuit) avec cette boule qui me presse le sternum. Une boule qui disparaitra après quelques jours, une fois la routine installée, non? Mais il faut garder le sourire, car tout le monde s’attend à cela. Faire le souper, faire le ménage, faire les commissions. Taire la boule qui grossit dans ma poitrine…
Quelques semaines plus tard, je me rends à la « Clinique du nourrisson » qui se situe à quelques kilomètres de la maison. Une randonnée tout à fait banale, mais pourtant en traversant un chemin de fer, je me suis posée comme question : « Qu’adviendrait-il si je me stationnais ici et que
j’attendais? » Et j’ai eu peur! En arrivant au CLSC, j’ai crié et une infirmière est venue aussitôt vers moi. Je lui ai remis ma fille en lui criant que j’étais dangereuse pour elle.
Un flot de pleurs s’en suit… J’étais totalement incontrôlable ce jour-là. Je devais faire face à la dure réalité : je subvenais aux besoins primaires de la Bête, mais je ne l’aimais pas! Est-ce possible de mettre au monde un enfant et de ne pas l’aimer? Lorsque la parenté et la visite étaient à la maison, j’étais heureuse de me « débarrasser » du fardeau. J’étais folle, fort probablement, car évidemment toutes les mamans sont excellentes et ne vivent pas avec cette boule qui se répand dans mon corps.
On m’envoie donc, dans les heures qui suivent, à la clinique. Et BOUM! Le diagnostic de dépression post-partum est arrivé. Moi? La carriériste qui n’a peur de rien, la pro’ de la préparation des repas/lunch à la maison, la chef d’orchestre. Vraiment? Prendre de la médication : des antidépresseurs. Moi, really? Voir une thérapeute. Une joke, non? Être mère, c’est innée, alors pourquoi en discuter avec des professionnels? Je n’avais rien demandé, mais pourtant tout cela m’arrivait! C’était tout simplement inconcevable.
Mais j’ai écouté les recommandations et petit à petit, le soleil s’est mis à briller. J’ai participé à des groupes d’entraide et j’ai vite compris que je n’étais pas seule dans cette situation, d’autres mères vivaient cette détresse! Peu à peu, le brouillard s’est dissipé dans ma tête et j’ai commencé à remarquer que ma fille me souriait, qu’elle savait qui j’étais, qu’elle était belle. Je me suis assise auprès d’elle et j’ai joué sur son tapis d’éveil en lui souriant à mon tour!
Je ne crie pas VICTOIRE, mais j’escalade dorénavant la montagne le sourire aux lèvres entourée des gens qui m’aiment.