La semaine dernière, j’étais en compagnie d’une de mes amies qui allait se marier. Nous étions, les demoiselles d’honneur et les garçons d’honneur, réunis dans la salle de réception pour discuter organisation et déroulement de la soirée. C’est alors qu’un des garçons d’honneur m’a dit quelque chose comme « T’es pas enceinte! J’te crois pas. C’est pas vrai! » J’imagine que ça peut être drôle une fois, mais il l’a répété au moins cinq fois. T’sais, reviens-en.
Il a ensuite enchaîné avec un « Si c’était vrai, tu l’aurais écrit sur Facebook et tu n’as rien écrit. T’aurais ben écrit un poème de huit pages intitulé… l’Accident. Ha ha ha! », gros rire gras d’épais en prime.
L’accident.
Se couper le doigt en faisant de la popote est un accident. Se faire frapper par une voiture est un accident. Devoir côtoyer le même espace vital que lui était un accident. Mais avoir un enfant n’est jamais un accident. C’est un choix. C’est une décision que tu prends, ou non. Mon enfant n’était pas et ne serait jamais un accident. Même pas en joke. Au bas mot, j’étais vraiment en furie. Je me suis dit que ça ne valait pas la peine de répondre et je l’ai laissé s’étouffer dans son rire en priant secrètement pour qu’il manque d’air.
C’est alors qu’un autre garçon d’honneur s’est permis d’ajouter « Es-tu encore avec le père, au moins? » De quoi, au moins? Heureusement pour moi, j’ai pu répondre par l’affirmative. Mais je n’ose imaginer comment je me serais sentie si la réponse avait été différente. J’aurais sûrement répondu « Non, nous ne sommes plus ensemble, mais cet enfant ne manquera jamais de quoi que ce soit. As-tu un problème avec ça? »
Le au moins sous-entendait tellement de jugements sous-jacents. Honnêtement, je me serais sûrement sentie comme de la merde. C’est incroyable de constater à quel point les gens peuvent manquer de délicatesse. Si j’avais été monoparentale, avec tous les défis et difficultés que ça implique, ça aurait été la dernière chose que j’aurais voulu me faire dire. Et encore une fois, on relayait encore le père au sentiment de peur, à la fuite et au manquement à ses responsabilités, en étant quasiment surpris que ma réponse soit « Oui, je suis encore avec lui. » Le classique… (J’suis tellement plus capable.)
Le jugement direct est vraiment une expérience désagréable, surtout lorsque la majorité des gens qui agissent ainsi ne te connaissent pas; lorsque les seules choses qu’ils connaissent se résument à ce que tu publies sur Facebook. Même si on s’en fout, même si leur opinion ne devrait pas compter (justement, ils ne me connaissent pas!), c’est lourd. C’est exaspérant. J’ai bien de la difficulté avec le concept de juger la vie d’un humain qui n’a même pris sa première respiration encore.
Aurais-je dû faire parvenir un questionnaire à toutes mes connaissances pour leur demander ce qu’elles pensaient de mon éventuelle grossesse? Aurais-je dû leur demander le droit? Leur demander le droit de gérer ma vie comme je l’entendais, sans leur approbation? Ça aurait été un peu contradictoire, non?
C’est comme si on questionnait davantage mes capacités parentales parce que je ne criais pas sur tous les toits que j’attendais juste ça, être mère, depuis la nuit des temps; parce que ces personnes n’avaient jamais rencontré mon copain ou encore parce que je ne l’avais pas écrit sur Facebook.
Enfin.
Il y a un adage qui dit « Tournez votre langue sept fois avant de parler. » J’avoue que sept fois c’est long. Je pense que la tourner deux fois serait suffisant pour réaliser que ce qu’on va dire a potentiellement le pouvoir de blesser quelqu’un, et blesser quelqu’un sur sa parentalité, c’est sûrement l’une des pires choses au monde.
Regardez-vous. Êtes-vous là où vous souhaitez être? Êtes-vous heureux? De quel droit vous permettez-vous de lancer vos jugements à la face de personnes n’ayant rien demandé? Laissez les gens être heureux et pensez-y!