L’Association Québécoise des Allergies Alimentaires répond à nos questions côté alimentation.
Jacinthe Moreau L’alimentation et les allergies alimentaires sont des sujets qui suscitent beaucoup de questions, en particulier chez la femme enceinte, celle qui allaite, ou lorsque vient le temps d’introduire une préparation ou les aliments solides. On peut rapidement se perdre à travers toutes les différentes sources d’informations et les recommandations qui, disons-le, changent énormément ces derniers temps.
Crédit : Jacinthe Moreau/imgflip
À notre grand plaisir, l’AQAA a accepté de répondre à nos questions. Si vous ne connaissez pas encore cet organisme, que vous soyez aux prises avec des allergies alimentaires ou pas, allez faire un petit tour sur leur site web. Ça en vaut vraiment la peine! L’AQAA vous propose toutes sortes d’outils très intéressants, de formations, de services et aussi plein d’informations fiables au sujet des allergies alimentaires. Parents, CPE, garderies, centres jeunesse, camps et tout le secteur alimentaire, tous y trouvent leur compte.
Voici donc enfin des réponses claires à nos questions.
Quelles sont les recommandations actuelles par rapport à l’introduction des aliments considérés comme étant les plus allergènes?
Selon les données probantes les plus concluantes, il n’y a pas d’avantages à retarder l’introduction de certains aliments solides, y compris les allergènes. Les pratiques d’introduction d’aliments considérés allergéniques ont beaucoup évolué ces dernières années, on pourrait même dire que l’approche a fait volte-face! En 2000, l’American Academy of Pediatrics recommandait de retarder l’introduction d’aliments au potentiel « déclencheur » (p. ex., protéines du lait de vache jusqu’à un an, œufs jusqu’à deux ans et arachides ou fruits de mer jusqu’à trois ans) chez les nourrissons à haut risque d’allergies. Cette pratique était donc, pendant longtemps, la norme. Depuis 2000, toutefois, les données d’observation indiquent que le fait de reporter l’introduction de certains aliments ne prévient pas les allergies alimentaires, mais les favoriseraient.
De ce fait, en 2008, l’American Academy of Pediatrics a donc modifié leurs lignes directrices afin d’intégrer le fait qu’aucune donnée convaincante ne démontrait que le fait de reporter après quatre à six mois l’introduction des aliments solides, y compris les arachides, les œufs et le
poisson, n’avait d’effet protecteur important sur la prévention des allergies. Santé Canada ainsi que la Société canadienne de pédiatrie se sont alignés avec ces recommandations. Tout récemment (février 2015) les résultats d’un grand projet de recherche appelé « LEAP » (Learning Early about Peanut Allergy) qui confirment cette théorie ont été publiés. Les résultats de l’étude supportent les bénéfices potentiels de l’introduction hâtive des arachides lors de la période d’introduction des solides chez le nourrisson, surtout chez l’enfant à risque d’allergies alimentaires.
Pour le moment, ces résultats sont très récents et la communauté médicale doit s’ajuster. Des lignes directrices intérimaires ont été proposées en attendant des recommandations officielles. Il est souhaitable, donc, de chercher l’avis de votre médecin ou allergologue afin de déterminer les démarches à suivre pour votre enfant.
Est-ce que consommer des allergènes enceinte/en allaitant peu aider à éviter les allergies alimentaires? Quelles sont les recommandations à cet effet?
La Société canadienne de pédiatrie déconseille de restreindre le régime alimentaire de la mère pendant la grossesse et la lactation, même si l’enfant à naître était à risque de développer des allergies (en général, un nourrisson à haut risque d’allergie a un parent du premier degré ou un membre de sa fratrie qui présente un trouble allergique). Dans certains cas, un bébé pourrait réagir à la présence de protéines dans le lait de sa mère (p. ex., protéine de lait de vache). Cette situation demande le retrait de l’aliment offensif de l’alimentation de la mère. Afin de restreindre inutilement la diète de la mère, il est souhaitable d’évaluer les symptômes de l’enfant avec votre médecin.
Allergie chez la maman ou chez un frère ou une sœur. Quand en donner aux enfants?
Lors de l’introduction des aliments solides (entre 4-6 mois) il est conseillé de commencer par une source de fer. Les aliments riches en fer incluent la viande, les céréales enrichies de fer, le poisson, les légumineuses et même l’œuf. Les noix et les arachides sont également une source de protéine végétarienne riche en fer. Au Canada, nous avons tendance à offrir les céréales en premier, mais rien n’empêche l’introduction d’autres aliments en premier. Les nouvelles données de l’étude LEAP indiquent même un avantage à introduire activement l’arachide à l’enfant à risque entre 4-11 mois. Comme indiqué dans le paragraphe précédent, il est important de consulter un allergologue ou un médecin général avec des connaissances en allergies afin d’avoir des conseils personnalisés et un suivi adéquat selon le cas.
Est-ce que l’allaitement a des effets bénéfiques sur la prévention des allergies alimentaires?
L’allaitement assure une protection immunologique, tout en favorisant la croissance et le développement chez les nourrissons et les jeunes enfants. La recommandation de la Société canadienne de pédiatrie est la suivante : « allaiter exclusivement pendant les six premiers mois de vie. On ne sait pas si l’allaitement prévient les allergies en plus de son statut de mode d’alimentation optimal du nourrisson et de ses autres avantages manifestes. La durée totale de l’allaitement (au moins six mois) pourrait avoir un caractère plus protecteur que l’allaitement exclusif pendant six mois.»
Quelles sont les bonnes pratiques à adopter pour l’introduction des aliments? (Quoi surveiller, à quelle fréquence offrir des nouveaux aliments et quand consulter.)
Pour répondre à cette question, je partage avec vous les conseils cités dans l’énoncé de Santé Canada intitulé « La nutrition du nourrisson né à terme et en santé : Recommandations pour l’enfant âgé de 6 à 24 mois » :
« Pour introduire un aliment qui figure dans la liste des allergènes alimentaires communs, il est proposé que les parents et les fournisseurs de soins évitent d’offrir plus d’un de ces aliments chaque jour et attendent au moins deux jours avant de servir d’autres aliments de cette catégorie. Cette mesure facilite l’identification d’un aliment susceptible de causer une réaction
allergique.
Lorsque de nouveaux aliments sont introduits, il est important que les parents et les fournisseurs de soins vérifient tout symptôme de réaction allergique. Pour réduire le risque d’étouffement, il faut également veiller à ce que les aliments offerts soient d’une texture et d’une taille convenables à l’âge de l’enfant et à son stade de développement.
Dès lors qu’un allergène alimentaire éventuel a été introduit avec succès, conseillez aux parents et aux fournisseurs de soins de continuer à offrir cet aliment régulièrement pour que l’enfant s’y habitue (Chan, Cummings et Comité de la pédiatrie communautaire de la SCP, 2013). Les parents et les fournisseurs de soins doivent continuer à servir de nouveaux aliments pour veiller à ce que les enfants soient exposés, avant l’âge d’un an, à toute la variété des aliments que consomme la famille.»
Vous pouvez consulter à tout moment! Si vous avez des doutes, des questions, des remarques ou des préoccupations, dirigez-vous vers un professionnel de la santé pour évaluer les prochaines étapes. Dans une famille où les allergies alimentaires existent déjà, il serait rassurant d’avoir le soutien de votre allergologue ou médecin de famille, surtout avec les avancées scientifiques récentes.
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Références : Voici des liens aux documents cités ci-haut.
American Academy of Allergy, Asthma and Immunology. 2015. Consensus Communication on Early Peanut Introduction and the Prevention of Peanut Allergy in High-Risk Infants:
http://www.aaaai.org/Aaaai/media/MediaLibrary/PDF%20Documents/Announcements/Consensus-Communication-Final-6-1-15.pdf (consulté le 3 juillet, 2015)
Chan ES, Cummings C ; Société canadienne pédiatrique, Comité de la pédiatrie communautaire. L’exposition alimentaire et la prévention des allergies chez les nourrissons à haut risque : Document conjoint avec la Société canadienne d’allergie et d’immunologie clinique : http://www.cps.ca/fr/documents/position/prevention-des-allergies-chez-les-nourrissons-a-haut-risque#ref10 (consulté de 3 juillet 2015)
Santé Canada. 2012. La nutrition du nourrisson né à terme et en santé : Recommandations de la naissance à six mois. Énoncé conjoint de Santé Canada, de la Société canadienne de pédiatrie, des Diététistes du Canada et du Comité canadien pour l’allaitement : http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/nutrition/infant-nourisson/recom/recom-6-24-months-6-24-mois-fra.php#q2 (consulté le 3 juillet 2015)