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Faire un bébé, c’est se « désaimer »?
Crédit: Jessica May Rita Kohut

Ce que j’ai ri quand, après mon accouchement, l’infirmière s’est empressée de me remettre des dépliants me « prescrivant » un tas de choses concernant ma nouvelle maternité, dont celle de trouver des moments de répit en couple. Maintenant, je ne ris plus.

Je ne pensais pas qu’un tout petit bébé pouvait creuser autant de distance entre l’Amoureux et moi. Avant, je me disais que les épreuves que nous avions traversées ensemble (mon infertilité, le décès de maman, nos insécurités financières) nous avaient rendus solides. Le temps nous avait blindés. 
 

À Zadar, en Croatie, en compagnie du plus beau des couchers de soleil.
Crédit : Anne Genest (ou Patrick Brisson, finalement)
 

Avec les années, tant de gestes d’amour se sont imprégnés en nous. Nos correspondances anciennes. Ces lettres que je lui écrivais en choisissant le papier, l’encre, les mots. Nos marches sous les étoiles. Nos voyages fous qui ont semé dans nos imaginaires des rêves communs. Nous étions nourris l’un de l’autre, indéracinables. 

Dès que l’enfant est né, nos nuits n’ont plus été pareilles. Pour fuir mes insomnies, l’amoureux est allé dormir au sous-sol, s’est enfermé avec des idées sombres. Et lorsqu’il est revenu faire de nouveau chambre avec moi, ce n’était plus pareil. Une part de lui est restée allongée dans la cave, sur le sofa.

Crédit : Joël/Flickr
 

Enterrés.

Nous ne nous voyons plus. Plus du tout, quotidiennement. C’est devenu une habitude ou une façon de vivre. Ou tout simplement, c’est comme ça. C’est la vie.

C’est une succession de soupers où nous ne parlons pas. Nous nourrissons un bébé. Nous surveillons ce qu’elle ingurgite. Ce qu’elle recrache et lance et avec quel soin elle ensevelit nos communications sous des éclaboussures à nettoyer, à enlever, à déprendre.

Je ne savais pas que c’était ça la vie. Qu’en s’additionnant, on se soustrait aux autres, au reste du monde, à la course des jours. Je disparais. Et je rêve que nous nous retrouvions ne serait-ce que quelques heures, un samedi. Une petite heure ou deux. Ou toute une journée.

Je rêve que nous ne parlions pas juste du bébé. Que nous parlions de nous. Que nous ayons des rêves (comme hier). Que nous puissions y songer sans nous dire que c’est impossible de planifier du repos, que c’est notre lot pour cinq ans encore, ou dix ans, ou vingt ans. Je ne sais plus quand l’enfance se termine et le souci d’être parents, de se perdre, de vieillir, d’entreprendre la marche de ceux qui s’en vont doucement, une ride à la fois.

Je suis sombre, désespérément sombre, depuis qu’on ne se voit plus.

Est-ce que vos enfants ont mis de la distance dans votre couple?
 

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