De mon plus lointain souvenir, je sais que la vie s’arrête. De par ma personnalité, je me suis évadée du concret dans les livres, les films et la musique. Je voulais voyager, voir, découvrir. Je n’ai jamais cru à la permanence des choses. Le quotidien ne m’intéressait pas. J’aimais fort, violemment même, mais jamais très longtemps. Toute ma vie me semblait l’accumulation de moments temporaires qui bâtiraient mes souvenirs.
J’ai souvent fantasmé sur la famille. Mais je croyais que ce n’était pas pour moi, que je n’étais pas faite pour cette vie que je ne connaissais pas.
Un jour, j’ai rencontré ce garçon. Je dis garçon parce que malgré ses airs d’homme, il a le cœur et le regard d’un enfant. J’ai eu envie de me rapprocher. J’ai eu envie de m’ouvrir et de rester là, au creux de ses bras. C’est l’endroit le plus confortable et chaud et aimant.
Un jour, j’ai su que ce garçon avait semé une graine de vie en moi. J’évaluais la situation en me disant : « Cool. Une expérience de plus dans mon sac à dos. La grossesse. Je me demandais bien comment on pouvait se sentir. »
Un jour, un petit être doux et si énergique a bombardé ma vie.
Et jusqu’à la fin de notre vie, il sera là. Dans notre tête. À chaque minute de chaque jour. BOOM.
Certain jours, j’ai envie de prendre mon vélo et de pédaler sans jamais m’arrêter en laissant tout derrière. Laisser partir ma vie comme un infime point dans l’univers, sans même me retourner. Me libérer au rythme du vent qui claque sur mon visage.
Je suis fatiguée. Je ne me reconnais plus. L’inquiétude qui s’est installée en moi me pèse comme si j’étais écrasée sous le poids du monde.
D’autres soirs, comme ce soir, j’ai envie de savoir ce qui va se passer demain. Qu’est-ce que l’homme qui dort à côté de moi aura envie de cuisiner pour déjeuner? Quelle blague trouvera-t-il pour me faire rire?
Chaque jour, je suis curieuse de retrouver le petit au matin. Juste pour savoir comment il va.
Je ne veux manquer aucune journée de ses yeux. Son regard qui devient tellement semblable à celui de l’homme qui le regarde grandir en même temps que moi.
Je continue de savoir que tout ne tient qu’à un fil. Quand même, j’ai parfois envie que le temps s’arrête et que nos matins se répètent à l’infini.
Moi qui avais si peur de ce qui pouvait durer, c’est tout ce que je souhaite.