Ça fait que c’est ça, j’en étais à peu près rendue au boutte plus personnel. T’sais, je voulais entrer dans le vif du sujet et vous expliquer comment j’ai vécu ça, moé, être pas pareille que les autres. Parce que des fois, quand je revenais de l’école, j’avais pu pantoute le goût d’y retourner. Je ne peux juste pas imaginer comment le cœur de ma mère faisait pour dealer avec ça jour après jour.
Mais ma mère, ce n’est pas une mère comme les autres. Vous ne la connaissez pas, vous, et je sais que vous êtes sûrement en train de vous dire que c’est une phrase prémâchée, surutilisée par moult personnes, mais j’en ai rien à battre parce que c’est vrai. La vraie de vraie vérité, pure et dure. La mienne n’a rien à voir avec celle de toutes les mamans que je connais, j’vous jure. Elle a vraiment un petit quelque chose qui ne s’est pas encore répandu par milliers (pas comme les jouets du petit papa Noël) et qui la rend tellement indescriptible.
Jusqu’à ce que j’aie cinq ans, moi, je n’avais aucune espèce d’idée qu’il y’avait quelque chose de différent par chez nous. Je vaquais à mes occupations d’enfant, je jouais bien allégrement avec ma Criquette, pis ma mère venait de m’apprendre à faire des dessins aux crayons de bois. Bye, les crayons de cire pour bébé! Et là, le grand jour est arrivé. Je n’étais pas rien qu’un peu prête. J’attendais avec impatience, en faisant mille fois le tour de la borne-fontaine au coin de chez nous, l’immense autobus jaune moutarde qui allait m’amener à l’école, la grande école avec des grands. Avec mes shoes blancs immaculés et mon survêtement de sport rose agrémenté d’un imprimé de minou, il n’y avait pas de doute, j’allais faire fureur sur un ostie de temps.
Crédit : Valérie Longpré
Ouin. Ce n’est pas tellement ça qui s’est passé, vous avez deviné. Je vous évite les détails, Monsieur Clouston, mais disons juste que je suis revenue avec une face de piteuse pis la morve au nez. Si ma mère avait été comme toutes les autres, elle m’aurait pris dans ses bras et j’aurais continué de brailler ma vie.
Mais ma mère ne m’a jamais dit que je faisais donc pitié. « Ah ouin, ils te traitent de p’tit gars à l’école? » Le lendemain, j’arrivais à l’école déguisée en p’tit gars pis tout le monde me trouvait soudainement ben funny. « Ah ouin, ils te traitent de zombie à c’t’heure? ». J’apprenais par cœur la toune des Cranberries pis, chaque fois que quelqu’un m’harponnait avec cette insulte de marde, je lui courais après en lui hurlant ça dans les oreilles : « ZO-OM-B-Y » et « Y » et « Y ».
C’est un peu comme ça que je vois ça avec mon propre petit être humain tout neuf à venir. Pas de victimisation, pas de pitié 101, pas d’anormalité. Parce que c’est quoi, être normal, finalement? C’est avoir tout au bon endroit? Ben, si c’est juste ça, je vais y montrer à mon kid que ce n’est pas parce qu’on est différent que ça empêche le cœur d’être à la bonne place.
Vous ou vos enfants, avez-vous une différence et comment apprenez-vous à vivre avec elle?