Quand, au téléphone, l’infirmière du CLSC m’a parlé de la nature et de ce qui s’y passe depuis des millénaires, alors que je lui parlais de mes problèmes d’allaitement avec mon minuscule presque-préma, je ne lui pas répondu ce qui m’est passé par la tête. Dans les faits et dans la nature, j’aurais convulsé à cause de la prééclampsie et nous serions morts depuis quelques jours déjà, en train de nous faire bouffer par des charognards qui compléteraient ainsi le grand cycle de la vie. Comme il n’y avait aucune raison de traumatiser la très gentille infirmière, je me suis abstenue.
Par contre, l’argument de la nature m’énerve.
Oui, il y a le fait que j’apprécie beaucoup l’humain en moi et que je n’ai aucunement l’intention de rencontrer mon potentiel animal, mais il m’énerve, surtout parce que c’est un gros sophisme. La nature n’est pas un éden luxuriant où de petits oiseaux bleus t’habillent commodément.
C’est Darwin, c’est la survie du plus adapté et, forcément, la mort de l’autre. Un bébé qui ne sait pas boire, dans la jungle, ne se fait pas nourrir au biberon. Il se fait poser quand le groupe commence à le trouver trop faible et encombrant, et se fait bouffer par un prédateur. Grand cycle de la vie, bis.
Régulation naturelle de la population animale que nous sommes.
Il m’énerve aussi, cet argument, parce qu’on ne le sort qu’aux femmes enceintes et aux mères de nouveau-nés.
Étrangement, la science médicale ne pose aucun problème quand elle incube les prématurés, envoie les cancéreux en chimio ou défibrille les accidentés de la route, mais dès qu’elle aide les femmes, la science médicale est nocive, invasive, mauvaise. Parce que la femme doit souffrir, parce que le bien-être de la mère doit passer en 17e ou parce que la femme est une créature mystique tellement plus en phase avec la nature? C’est déjà condamnable qu’on culpabilise la femme qui veut l’épidurale ou la biberonneuse, mais qu’on lui tienne un discours sophiste et vaguement sexiste pour le faire, c’est assez hideux.
Entendons-nous, je pense qu’il faut combattre avec bec et ongles la violence obstétrique. J’encourage celles qui veulent accoucher ailleurs qu’à l’hôpital ou allaiter autant d’années qu’elles le décident. Cependant, je pense aussi que ce nouveau discours, insidieux, en est un autre qui a exactement la même finalité que celui des médecins invasifs : déposséder les femmes de leur corps. Je pense qu’on devrait toutes, ensemble, parodier cette fausse citation de Voltaire et adopter un nouveau mantra : « Je ne suis pas d’accord avec la façon dont vous accouchez, nourrissez votre enfant, ou gérez votre corps de mère en général, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le faire (sans être emmerdée). »
Je sais, c’est un long mantra.
Y a-t-il un discours sur la parentalité qui vous donne de l’urticaire?