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Après le mois de mai : deuxième mouvement, la rentrée.
Crédit: Typhaine Leclerc

Première partie

Après des semaines à douter de mon projet de retour aux études et à douter, surtout, de ma capacité à laisser mon bébé de trois mois et demi à la maison pendant plusieurs heures (avec son père, quand même!), nous y voilà. La rentrée. Ce moment de l’année où j’ai toujours envie de m’acheter des crayons et d’enfourcher mon vélo pour me diriger vers l’école, comme si c’était là, la seule manière de vraiment profiter de l’automne, de l’odeur des feuilles mouillées, seule façon aussi de lutter contre les journées qui raccourcissent contre mon gré.

Après cinq ans sur le marché du travail à sentir, chaque année, la démangeaison de la rentrée, c’est enfin le temps du grand retour sur les bancs d’école à temps (techniquement) plein. Mais cette année, le joyeux appel des cahiers neufs est remplacé par des nuits entrecoupées d’épisodes d’insomnie à l’idée de me séparer de mon petit pendant autant d’heures chaque semaine.

Au jour J, c’est donc armée de tout mon courage et d’une pas-si-pire réserve de lait au congélateur que je me lance dans l’aventure. Les cahiers et l’étui à crayons trop plein sont remplacés par mon portable et une boite à lunch contenant mon tire-lait et un ice-pack.

Le premier jour, mon seul cours à l’horaire est écourté. Aimé a donc à peine le temps d’essayer le biberon, et moi, je n’ai presque pas le temps de m’inquiéter de son sort ni de trop souffrir de mon déficit de sommeil pendant la présentation du plan de cours. Même scénario le lendemain.

Quand arrive le troisième et dernier jour de ma semaine d’école, je me sens assez confiante de réussir le défi de passer la journée au complet loin de mon bébé. C’est là que je commence à vraiment prendre la mesure de ce que va impliquer cette conciliation études-bébé.

À l’heure du midi, je pars à la recherche d’un endroit tranquille pour tirer du lait. J’essaie de me trouver un coin à l’abri des regards – je suis à l’aise pour allaiter en public, mais j’ai mes limites. Je ne trouve rien en errant au hasard dans les couloirs, alors je m’arrête pour googler une solution à mon problème. J’apprends rapidement qu’il y a des « salons d’allaitement » à l’université, initiative d’un groupe de soutien à l’allaitement. Je remercie, dans ma tête, mes mystérieuses bienfaitrices.

Le numéro du local en main, je marche d’un pas décidé vers ce que j’imagine comme un oasis calme et confortable, un refuge que je pourrai visiter chaque semaine. Je commence par descendre vers le sous-sol, mais le numéro du local ne correspond pas. Apparemment, il y a un étage encore plus bas. Arrivée au niveau 00, zone aux airs industriels et aux plafonds que j’effleure du haut de mes 5 pieds 4, je commence à remettre en question ma vision romantique de ce « salon d’allaitement ».

Après 10 minutes à chercher en vain, je ressors mon téléphone pour vérifier que j’ai les bonnes informations. En lisant plus attentivement, je me rends compte qu’il faut s’inscrire pour avoir accès au local (et semble-t-il, pour que la porte mystérieuse apparaisse en poussant sur une brique, à la Harry Potter). J’abandonne ma quête et je finis par me retrouver enfermée dans une toilette à tirer mon lait, en me promettant de ne pas renouveler l’expérience trop souvent.

De retour à la maison, je lis sur la dissidence et les théories postcoloniales, tentant de m’élever dans ces sphères abstraites malgré les gazouillements d’Aimé dans la pièce d’à côté, malgré la voix de son papa qui lui raconte de douces absurdités pour le faire rigoler. J’affiche mes PDF en mode plein écran dans l’espoir de rester concentrée sur la tâche à accomplir. Je réussis à peu près à ne pas laisser Internet m’aspirer dans ses tentacules, mais impossible de m’empêcher d’arrêter de temps en temps pour aller voir mon bébé ou pour baisser les yeux sur lui quand il est endormi dans mes bras.

Impossible de résister à son odeur, à sa chaleur, à son abandon total…

Alors, ben, je ne résiste pas.

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