À la minute où j’ai donné la vie, j’ai compris que la mienne pouvait s’arrêter. Lorsque l’amoureux est parti avec notre progéniture, alors que je me faisais gentiment recoudre, j’ai refusé de fermer les yeux, de me laisser aller et de me reposer.
Et si jamais mes yeux ne s’ouvraient plus? J’étais si fatiguée et faible que je me sentais un peu partir. C’était assez anxiogène pour combattre encore un peu plus la fatigue et garder les yeux ouverts pour retrouver mes deux amours le plus rapidement possible.
J’ai ensuite retrouvé le confort de ma chambre d’hôpital et avec tout mon entrain not, je suis entrée dans le monde de la maternité.
De retour à la maison, je suis aux prises avec une anémie sévère, des tunnels carpiens dysfonctionnels et des séquelles de l’épidurale des trop nombreux essais/doses. J’ai peur. J’ai peur de perdre ma mobilité. J’ai peur de mourir. Je crains qu’Émile ne puisse pas connaître sa mère. J’ai la trouille à l’idée de ne pas pouvoir lui transmettre mon amour, mes passions, mes valeurs, mon réconfort, mon écoute, mon odeur. J’ai besoin de le couvrir de becs, de le sentir, de le blottir tout contre moi. Je veux le voir grandir, marcher, parler, aller à l’école, connaître sa première blonde, etc.
Quelques semaines passent et je ne peux plus faire l’autruche : il faut que je protège mon fils!
Crédit : Aude Pelote
C’est ainsi qu’à 4 mois de vie, Émile s’est retrouvé entouré de ses parents dans le bureau de la notaire.
C’est à ce moment qu’il a fallu qu’on réfléchisse à des questions importantes. Si jamais papa et maman décèdent ensemble, que fait-on d’Émile? Eh? Les deux ensemble? Vraiment? Genre on est sur le pont Jacques-Cartier et il s’écroule? Trop de plans s’entremêlent dans mon esprit et ça devient la cohue! Aaaaaaah, nous allons MOURIR! MERDE!
Si jamais je décède, à qui revient mon argent, mes avoirs et tout le bataclan? Qui va s’occuper d’Émile si papa et maman décèdent? Quels sont mes souhaits si je décède? Etc. Etc.
Les questions s’enchaînent, toutes aussi délicates les unes que les autres.
Nous sommes repartis du bureau avec des réponses à trouver, un peu malmenés, un peu déstabilisés, un peu fragilisés. Être parents, ça veut aussi dire partir avant nos tout-petits. Ça veut dire prendre conscience de la fragilité de nos vies et de la sienne.
On ne veut blesser personne, mais en même temps, c’est la supposée vie de notre fils, alors il ne faut pas se tromper. Penser à tout. Qui est le ou la plus susceptible d’accepter, d’aimer, de consoler, d’écouter, de comprendre notre petite merveille? Qui pourrait maintenir le lien avec ma famille française? Qui nous connaît assez bien pour pouvoir lui parler de nous si le pire arrivait?
Après quelques discussions, un peu d’anxiété, des appels téléphoniques, des demandes spéciales, nous sommes retournés dans le fameux bureau.
Nous y sommes allés soulagés, apaisés d’avoir enfin pris la décision de protéger notre enfant. Une fois l’anxiété passée et la mort ultime acceptée, je pense que nous avons fait les bons choix. Les personnes en qui nous avions confiance et que nous aimons ont accepté de s’occuper de notre fils si jamais la vie s’arrêtait trop rapidement pour nous deux.
Nous avons décidé de le demander à deux couples d’amis proches. Puisqu’ils peuvent refuser au moment où ça arrive, il y a donc moins de risques de se retrouver sans tuteur légal avec deux choix. Ça nous a unit et ça a renforcé nos liens d’amitié. Émus et touchés de se voir proposer de prendre soin de notre tout-petit, nos amis en étaient très reconnaissants. Ça a confirmé nos choix, tout naturellement!
Après sont venus les détails pas si détails que ça concernant l’héritage, l’âge auquel on lui remet, en combien de fois il reçoit l’argent, etc. Mais rendu là, c’est vraiment plus théorique qu’émotif. Le gros morceau était passé.
On a aussi parlé de ce qu’on désirait pour nos arrangements funéraires. Toujours un peu spécial d’en parler à 30 ans, mais mine de rien, nous sommes sortis de cette aventure soulagés. Nous avons créé un moment de discussion entre nous deux, nous avons mis en mots et compris ce que chaque personne voulait vraiment et d’en parler ouvertement a aidé à être plus sereins face à nos départs.
Si jamais ce n’est pas déjà fait, je vous conseille d’aller vous aussi protéger vos petits et grands, vos avoirs et vos souhaits, au cas où! Voici tous les liens nécessaires pour vous renseigner :
– Pour trouver un notaire proche de chez vous;
– Une trousse testamentaire du Réseau juridique du Québec;
– De l’information générale sur les testaments;
– Des informations sur les modèles de testament vendus sur internet ou en magasin;
– Notre collaboratrice Diva Virginie vous a aussi donné quelques conseils pour assurer l’avenir financier de vos enfants.