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Les boxers à Louis

Jacinthe Moreau
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Les boxers à Louis
Crédit: Marco Fieber / Flickr

La semaine dernière, je suis tombée sur le texte Les brassières à Trudeau, où la récente nomination de ministres 50 % femmes et 50 % hommes au cabinet du premier ministre n’est pas dépeinte comme une bonne chose. Depuis ma première lecture, il me tourne un peu en boucle dans la tête.

J’ai senti le besoin d’y répondre, parce qu’il m’interpelle personnellement. J’ai fait l’effort de laisser la poussière retomber pour répondre le plus posément possible. Ce qui suit est, j’ose croire, beaucoup plus productif que le paquet de bêtises qui me sont venues à l’esprit initialement.

Je suis une femme dans un milieu non traditionnel. Moi, ce sont les sciences. J’aime les sciences, et ce, du plus loin que je me souvienne.  

J’ai senti le besoin de te répondre, Louis. Mon parcours, vu de l’extérieur, peut sembler tout rose et tracé d’avance. C’est évident, avec les bourses et la discrimination positive. Dans les faits, ça n’a pas été aussi facile. Selon mon expérience personnelle, pour persévérer dans de tels domaines en tant que femme, il faut aimer ce qu’on fait. 

Premièrement, elle a un double tranchant, cette discrimination positive. Où dans ton texte t’attardes-tu vraiment aux compétences des ministres qui ont été nommées? Je lance ça dans les airs, mais si jamais elles étaient compétentes pour vrai? Voilà mon premier point. La crédibilité, en tant que femme dans un milieu non traditionnel, ne vient pas toujours d’emblée aux yeux de tous. Encore aujourd’hui, il faut souvent prouver qu’on y a notre place.

Ensuite, ton texte s’attarde beaucoup aux efforts qui sont faits pour attirer les femmes dans les milieux à prédominance masculine, alors qu’aucun effort n’est fait dans l’autre sens. J’aimerais juste apporter une précision ici. C’est qu’on encourage de plus en plus de femmes à tracer des pas et non à marcher dans des pas déjà tracés. À repousser des barrières, qui n’ont pas été aussi présentes pour les hommes. Il y a dans ton texte l’exemple des professeurs. Est-ce que les hommes se sont déjà fait refuser l’accès à ce domaine?

Ceci dit, les hommes boudent certains domaines et c’est dommage. Mais au lieu de critiquer les mesures en place pour encourager la présence des femmes dans certains domaines, pourquoi ne pas y aller dans l’approche positive et suggérer des mesures pour encourager les hommes dans les domaines à prédominance féminine? Je suis convaincue qu’on aurait à y gagner.

L’argument de la biologie, des filles qui jouent à la poupée et des garçons qui jouent à la guerre, celui-là m’est resté en travers de la gorge. Il y a un gros effort à faire de ce côté, par exemple en montrant qu’être maman et oeuvrer dans un milieu traditionnellement masculin, ce n’est pas mutuellement exclusif. En évitant de tomber dans les jouets excessivement genrés, en présentant de tout à nos enfants et en écoutant leurs goûts. Ma grande aime les robots, ma plus jeune aime les poupées, et c’est parfait comme ça. C’est un cercle qui tourne aussi. Plus de modèles féminins dans les milieux non traditionnels attirent plus de petites filles qui deviendront grandes. C’est plus difficile de s’identifier à quelque chose qui ne nous ressemble pas.

Quant à l’ère du « brûlage de brassières », elle n’est peut-être pas aussi révolue qu’on pourrait le croire. Je tenais à te répondre, parce que :

  • En 2003, on m’a dit que c’était impossible que j’aime les sciences, et que j’allais sûrement en génie juste pour les bourses;
  • En 2004, on m’a demandé si j’avais sucé le professeur;
  • En 2006, on a salué mon arrivée dans l’usine par des sifflements. Mon mascara m’avait trahie à travers mes lunettes de sécurité, le reste de mon corps étant entièrement camouflé sous ma chienne trop grande, mon casque et mon masque;
  • En 2007, on a tenté d’ignorer mon opinion parce que je suis « une femme, t’sais, avec des sentiments »;
  • En 2009, on a bien ri parce que « la p’tite fille est meilleure que toi ».

Parce qu’en 2034, ça se peut que ma grande aime encore les robots.

D’ici là, je pense qu’on n’aura d’autre choix que de continuer à encourager les femmes à aller vers de nouveaux horizons et à axer sur les modèles féminins positifs dans les milieux d’hommes. Le nouveau cabinet, justement, en crée tout plein, en plus d’être diversifié. Parfois, il faut donner un petit coup de pied aux choses pour qu’elles avancent. Moi je dis : bravo! 

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