En premier y’a eu cette journée, celle du petit « + ». Celle que j’attendais tant, mais qui me terrorisait à la fois. La vie a décidé de modifier mes plans, d’y ajouter un gros élément de 8 livres 8 onces qui allait arriver dans neuf mois.
Puis y’a eu la grossesse. La grise. Celle qui était un peu beaucoup trop surréelle pour moi. Celle qui m’a fait fabriquer un humain. Mon ventre qui grossissait à vue d’œil, comme pour me dire « tu comprends ce qui s’en vient ? »
Puis y’a eu les coups de pieds, les coups de poing. Ceux qui chatouillent, qui font mal aux côtes et qui déforment le ventre. Y’a aussi eu les showers, les tonnes de cadeaux. Chaque nouveau petit pyjama rendait le tout un peu plus concret, mais si lointain à la fois.
Le 5 octobre y’a eu les contractions, la sortie pour l’hôpital barrée sur la 15, le détour, les vieux murs de Sacré Cœur puis l’accouchement. Je l’ai eu facile : 2 h 25 pas d’épidurale, 3 poussées et un bébé. Un petit saumon qui est glissé des mains de l’infirmière pour atterrir sur sa maison vide. J’ai rien vu venir, je pleurais trop, mais j’ai bien entendu le « Il est parfait » que la médecin a dit. Tu sentais les biscuits au beurre.
Y’a eu la première nuit. Celle où Papa est parti pour aller dormir à la maison puisque notre budget ne nous permettait pas d’avoir une chambre privée. Celle où j’entendais la maman d’à côté pleurer parce qu’elle était seule elle aussi. Quand tu t’es réveillé pour la première fois, j’ai paniqué. Je suis restée figée dans mon lit à me demander qu’est-ce qu’on avait fait. J’ai pensé me sauver. Puis je t’ai pris avec moi, j’ai essayé de te réconforter et on s’est endormi collés. J’ai alors compris que c’était toi et moi pour la vie.
On t’a ramené à la maison et tout ce que je me disais, en te regardant flotter dans ton siège trop grand pour ton petit corps, c’est « Ils nous laissent partir avec sans nous connaître? Et si …? » En regardant l’hôpital rapetisser derrière nous je me suis dit « Si on part avec MAINTENANT, ils pourront pas changer d’idée et nous le reprendre. ACCÉLÈRE. » Papa était stressé de conduire, il a tourné dans un sens unique. On t’a présenté aux chats, à ton parrain et on s’est regardé en se demandant sans parler si on allait être à la hauteur. Je ne voulais pas que tu m’entendes.
Puis les jours ont passé, je me demandais si j’en faisais assez. Maudite culpabilité de mère qui te fait te demander si ton bébé est assez stimulé. Si tu vas pas le fucker sans t’en rendre compte.
T’as fait ton premier sourire. Ton premier son. T’as attrapé ton premier objet, puis la queue du chat. Tu as marché, couru. Dis ton premier « Je t’aime », ton premier « PARLE-MOI PAS ».
Et hier tu m’as demandé où étaient tes frères et sœurs. Alors je t’ai montré mon ventre, là où se trouvent mes ovaires, en te disant qu’ils attendaient tous là, que tu devais être patient. J’ai ravalé mes larmes (parce que, t’sais) quand tu m’as caressée en disant que tu allais attendre.
Aujourd’hui je me retiens à deux mains pour ne pas essayer de revoir ce petit « + », pour ne pas être terrorisée à nouveau. Pour pouvoir ne plus dormir, pour me remettre en question à tous les jours et m’autoflageller. Parce que la vie ne veut pas, pas tout de suite.
La vie vous a-t-elle déjà joué un tour pour finalement vous rattraper dans le détour ?