Une collaboratrice a déjà écrit un texte après avoir fait appel aux services d’une professionnelle pour immortaliser la naissance de son enfant. Ça m’a donné l’idée d’en écrire un de mon point de vue de photographe.
J’ai déjà dit ici que j’aime vraiment ça, accoucher. Eh bien, je me suis un peu lancée dans l’accouchement par procuration, comme photographe de naissance. Je photographie aussi des voitures, des gens et des biscuits, mais ce n’est pas pareil. J’adore photographier les gens, les familles et c’est ce que je fais le plus souvent. Bien que ce soit à titre de spectatrice invisible, quand je vois un nouveau-né prendre son premier souffle, je pleure et j’ai assez d’hormones maternelles dans le corps pour allaiter tout un continent. Un gros high.
Le beau…
Je sais, au début l’idée est étrange. Avec la mort, la naissance est sûrement le moment le plus intime, le plus brut, le plus vulnérable de la vie. Mais le photographe, il n’est pas vraiment là. Et non, je ne regarde pas les capacités d’extension phénoménales de l’anatomie féminine. Ce que je photographie, c’est toute la compassion et l’amour du monde. L’attente, la douleur, l’intensité, l’impuissance, l’encouragement, l’excitation, la force, le premier souffle, la fierté, l’amour, le premier regard, la première tétée, le peau à peau. Être photographe de naissance, c’est mettre cette histoire unique en images. C’est le photojournalisme à son meilleur.
Assister à un accouchement est un immense privilège et je serai toujours reconnaissante envers ces couples qui m’ont laissée entrer dans leur bulle durant ce moment d’intimité et d’intensité. Je crois que ça m’a servi de vivre moi-même un accouchement médicalisé à l’hôpital et un qui en était tout le contraire en maison de naissance. Le processus ne m’impressionne jamais, mais il m’émeut tout le temps.
Quand j’ai accouché, mon corps était là, mais mon esprit était en vacances. Très loin. Derrière mon appareil, je suis toute là. Je vois l’accouchement d’un autre œil et je trouve ça fascinant. Les coulisses, l’agitation, ce que font les sages-femmes ou les infirmières en dehors de la chambre. Durant une nuit passée à l’hôpital où le travail n’avançait pas, j’ai pu entendre une symphonie de femmes qui criaient et de bébés qui naissaient. J’imaginais les scènes et j’adorais ça.
Le moins beau…
La naissance est un spectacle inoubliable. Mais ce qui l’entoure n’est pas tout rose. Non seulement on n’a aucun contrôle sur l’action, les protagonistes, le temps ou l’espace, mais les conditions lumineuses sont souvent exécrables. « Photo » vient du grec pour « clarté », «lumière ». Pas de lumière, pas de photo. Et il semble que les bébés aiment la nuit, la lumière tamisée et l’ambiance feutrée. Et que les hôpitaux aiment les néons.
Trouver le bon angle peut s’avérer extrêmement difficile. On ne peut pas suggérer d’aller moins vite, plus à gauche, de replacer le piqué… Et encore moins sortir un spot, ha!
Aussi, quand on s’engage à photographier une naissance, il faut s’attendre à mettre sa vie sur pause pendant deux semaines. Pas de virée à l’étranger, pas de tournée des bars. Prévenir des clients qu’il faudra peut-être annuler à la dernière minute, prévoir une gardienne de rechange, être prête à partir à tout moment.
Mais au premier cri, j’ai déjà tout oublié!
Je vous laisse avec des images puissantes du concours de l’Association internationale des photographes de naissance.
La photo de naissance, ça vous dit?