Des fois, j’ai l’impression que la société n’a pas évolué aussi rapidement que les pères de ma génération. Je ne parle pas ici des restaurants qui n’ont pas de table à langer dans la toilette des hommes (ou qui n’en ont tout simplement pas!), JP en a déjà parlé ici. Je parle plutôt d’un paradigme qui persiste à ne pas changer dans les mœurs et le monde du travail.
« Y’a pas de mère cet enfant-là? »
C’est cet article du Devoir qui m’a allumé la mèche parce que je lisais pour une rare fois quelque chose que je remarque de plus en plus depuis que je suis père. On y lit que les pères travaillant dans des milieux typiquement masculins ont la vie dure.
Par exemple, la prise du congé de paternité est toujours un peu problématique. On apprend dans une recherche relatée dans La Presse que « la très grande majorité des pères (70 %) se contente d’au plus cinq semaines prescrites par le régime, de peur de l’impact qu’un congé plus long pourrait avoir dans leur milieu de travail. Ils prennent plus de temps à planifier leurs cinq semaines d’absence au bureau que leur future parentalité. » Ouch.
Crédit : Reaction Gifs
Quand la plupart des employeurs ne remplacent pas les pères absents, alors que la mère sera systématiquement remplacée, c’est pas étonnant de voir que seulement 30 % des pères prennent une partie du congé parental (celui qui peut être partagé).
« Y’a pas de mère cet enfant-là ? » est une question que beaucoup trop de pères se font poser lorsqu’ils partent plus tôt pour aller chercher le petit au CPE ou qu’ils prennent leur matinée pour aller (oh joie) attendre avec la petite à la clinique. Et ça ne se passe pas que dans les milieux traditionnellement masculins. C’est un peu comme si le monde du travail avait oublié que les travailleurs avaient aussi d’autres identités.
D’autres modèles possibles
La Suède a un peu le Saint-Graal des politiques familiales. Hautement développé, le régime permet et encourage les deux parents à passer du temps avec leurs enfants. Ils y ont droit à un total cumulé de 16 mois de congés payés par enfant. Treize de ces mois sont rémunérés à 80 % du revenu le plus récent, jusqu’à un plafond d’environ 444 000 couronnes suédoises (78 709 $) par an (en 2014).
Le point important ici, c’est que le régime est bâti pour inciter les pères à prendre plus de temps avec leur famille. Il y a même un bonus pour les parents qui partagent équitablement le congé. Le régime fait preuve d’une flexibilité qui fait défaut au Québec. Il permet en outre aux parents de réduire leurs heures de travail jusqu’à un maximum de 25 %, sans utiliser de jours d’allocation parentale, jusqu’à ce que l’enfant ait huit ans ou finisse sa première année scolaire.
Crédit : cheezburger.com
Éducation et promotion
Tout cela ne s’est pas fait tout seul. Après avoir décidé collectivement de mettre la famille à l’avant-plan, les Suédois se sont lancés dans une campagne de sensibilisation auprès des futurs pères et des employeurs pour que tous comprennent bien la démarche. Résultat? Des portraits comme ceux qu’on trouve ici.
On n’en est pas encore là au Québec. Les vieilles façons de faire ont la couenne dure et ce n’est pas chez les austéritaires libéraux que le Conseil du statut de la femme trouvera une oreille favorable à la bonification du congé. Déjà que le gouvernement massacre à la tronçonneuse nos services de garde publics et la procréation assistée, faudrait pas s’attendre à ce qu’ils développent une fibre familiale de sitôt. En attendant, on peut toujours rêver à la Suède !
Comment avez-vous partagé le congé avec vos partenaires ?
P.-S. Ça m’énerve pas mal toujours de voir « cours de danse maman-bébé » , « gymnastique maman-bébé » et autres activités qui pourraient très bien être faites en tandem papa-bébé. Je sais que ce n’est pas le but, mais on se sent d’emblée un peu exclu (même si je suis certain que ce n’est pas le cas). Allez BB Cardio et autres Enfantsformes de ce monde : rajoutez-donc le mot « papa » dans vos programmes, ça ne fuckera même pas tant que ça votre mise en page!