Devenir parent : le choc de la spontanéité perdue

Récemment, je suis devenue mère, un nouveau rôle que j’adore. Les quatre premières semaines ont été vécues dans la plus grande joie. Puis, ça m’est tombé dessus. En fait, ça nous est tombé dessus, à mon copain et moi. Du jour au lendemain, sans prévenir, plus rien ne fonctionnait, plus rien n’était joyeux.
 
Du jour au lendemain, j’ai réalisé que nous ne serions plus jamais « juste nous deux ». Ça semble con, écrit comme ça, mais on dirait que je n’avais jamais pensé à ce que ça impliquait. En fait, je ne crois pas que j’aurais pu, même si j’avais voulu. C’est le genre de truc que tu réalises en le vivant.
 
Notre spontanéité devrait désormais être organisée, prévue et encadrée. « Contrainte » était le seul mot que je voyais. Vouloir aller prendre une marche en amoureux? Plus maintenant. Aller le rejoindre au centre-ville pour aller souper et aller bouquiner sur le Plateau ensuite? Plus maintenant. Les discussions jusqu’à trois heures du matin? Plus maintenant. Je ne voyais qu’une suite infinie de « Plus maintenant »; des « Plus maintenant » qui gouverneraient maintenant ma vie pour les quinze prochaines années, minimum. Je ne me sentais pas bien.

Nous voyions l’avenir comme une prison, l’appartement aussi. Soudainement, le lit était inconfortable. Le gris du ciel était trop gris. La chambre était trop petite. Nous étouffions. Nous avons même osé prononcer : « Mais qu’est-ce que nous avons fait? »
 
Nous n’étions pas ensemble depuis longtemps lorsque je suis tombée enceinte. Malgré nous, nous avons dressé la liste de tout ce que nous n’avions pas eu le temps de faire : voyager, faire un échange étudiant, compléter notre scolarité, avoir un été complet ensemble sans que je doive me priver de quoi que ce soit. C’était la perspective du « plus jamais juste nous deux » qui faisait mal. Nous n’avions pas l’impression d’avoir été « assez juste nous deux ».
 
Pourtant, nous passions encore plein de beaux moments ensemble. Nous avions le luxe de faire des siestes, de regarder des films, de faire l’amour, de souper en tête-à-tête pendant que bébé dormait, etc. Ce n’est pas comme si notre enfant requérait notre attention 100 % du temps. Seulement, nous n’étions plus seuls. Nos pensées n’étaient jamais libres totalement.
 
J’en ai parlé à ma mère et aux filles de TPL Moms. J’ai appris que j’étais loin d’être la seule à qui ce sentiment avait rendu visite. Que c’était même normal, moi qui me sentais si mal. Après tout, je l’aime mon fils. Je l’aime tellement. Je ne pourrais plus jamais imaginer ma vie, notre vie, sans lui. C’est le seul humain que je peux coller durant des heures sans que ce soit assez. Il est merveilleux. En parler m’a fait du bien. Lire des témoignages de gens ayant vécu la même chose aussi. Lire que ça passait, que ça irait mieux. Que c’était juste une phase et que cette négativité ne durerait pas.

Ma mère m’a proposé de le garder une fin de semaine par mois pour que nous puissions passer du temps en amoureux, « juste nous deux », comme avant. Après trois jours, le gris du ciel s’est envolé et le soleil est revenu. C’est vraiment cliché, mais c’est ça quand même. Quand j’ai compris que je n’étais pas la seule à qui c’était arrivé, un poids énorme s’est enlevé de mes épaules. J’ai compris au même moment que ça ne faisait pas de moi une mauvaise mère et que j’avais le droit de vivre ces émotions difficiles.
 
C’est sûr que la spontanéité d’avant ne reviendra pas pour l’instant, mais c’est correct. Avoir un enfant change une vie. Nous sommes chanceux : notre enfant est en santé, nous sommes entourés de personnes formidables et nous sommes unis et amoureux.
 

Avez-vous, vous aussi, vécu cette phase peu de temps après l’accouchement?