En acceptant la trisomie de mon fils, je ne savais pas que nous aurions autant d’embûches. J’ai vraiment l’impression qu’on abuse de nous, qu’on fait tout pour réduire notre qualité de vie. Si nous étions vraiment à bout de souffle, la solution la plus facile serait de placer notre garçon. Il serait alors confié à une personne qui, pour faire les mêmes tâches que mon conjoint et moi faisons chaque jour, recevrait environ 40 000 $ par année. À quoi avons-nous droit, nous? Seulement 3000 $. En plus du 40 000 $, cette personne deviendrait son aidante naturelle. Pourtant, comme parents, nous ne pouvons être ces aidants naturels même si nous occuper de notre enfant à besoins particuliers demande tout notre temps, notre énergie, notre argent.
Ça me met à bout. À boutte, même.
Sachez avant tout que je ne suis pas à bout d’amour. Je suis simplement écœurée du système qui n’est pas fait pour les gens différents. De ce système qui limite la vie des gens différents à des formulaires et des diagnostiques. Ça me donne l’impression qu’aucun membre de notre gouvernement n’a jamais connu personnellement de gens handicapés ou des parents d’enfants gravement malades. Les lois sont faites par, et pour, des gens en santé.
Dès la naissance de mon fils, j’ai dû suivre une formation accélérée d’infirmière, de physiothérapeute et j’en passe. Formation non rémunérée que j’ai moi-même entreprise, car peu de temps après son diagnostique, j’ai aussi appris plusieurs nouveaux mots : liste d’attente, dossier à l’étude, retard sévère, etc. Je fais partie de ces familles qui reçoivent sans cesse des diagnostiques et qui sont livrées à elles-mêmes pour les affronter. Pourtant, je suis une privilégiée. Oui, oui, privilégiée!
Je suis privilégiée d’avoir une employeure qui comprend ma réalité. Privilégiée d’avoir un conjoint à mes côtés qui travaille pour ramener des sous pendant que je m’occupe des nombreux besoins de notre fils.
Nous nous sommes faits couper l’herbe sous le pieds avec l’augmentation des frais de garde selon notre revenu familial. Parce que dans les calculs du gouvernement, nos trop nombreuses dépenses médicales ne sont pas comptées. Selon ce ridicule calcul, nous sommes riches de par nos salaires et si nous sommes pauvres, en bout de ligne, c’est parce que nous dépensons nos sous god knows where.
Malgré tout, je suis privilégiée et je le sais. Depuis deux ans, mon conjoint travaille suffisamment pour nous obtenir des assurances qui paient les frais mensuels pour les médicaments de notre fils, 800 $ chaque mois. Ces mêmes médicaments que la RAMQ ne reconnaissait pas et que j’ai payés de ma poche les deux premières années de vie de notre fils.
Je pense à ceux pour qui sortir de l’hôpital n’est pas une option, ceux qui n’ont pas de conjoint-e sur qui compter. Ceux qui n’ont pas les moyens ou accès à des assurances médicaments décentes ni même de garderies subventionnées.
Alors mes beaux amis les ministres, je vous invite à rencontrer ces gens à qui vous refusez le droit de porter le titre d’aidants. Ces gens qui font gratuitement ce qu’une autre personne est payée pour faire. À repenser à cette injustice, parce que selon vos lois, légalement, nous sommes tenus de nous occuper de nos enfants jusqu’à leurs 18 ans, mais sans aucun règlement spécial pour les enfants handicapés ou gravement malades. Je peux vous certifier que ce que j’ai appris durant les quatre dernières années dépasse largement mes fonctions parentales.
Je suis parent et je le suis jusqu’au bout. Mon fils fait partie de cette société à part égale, avec ou sans tous ces formulaires qui le définissent. Laissez-moi m’occuper de mon fils, lui offrir une qualité de vie qui a de l’allure sans être constamment à bout de souffle, à bout de ressources. Je veux travailler, je veux être utile à ma société. Je veux, par contre, être considérée comme une aidante naturelle, car c’est ce que je suis en le choisissant lui. Avec un peu d’aide, je serais encore meilleure pour lui, pour le système, sans y sacrifier ma santé mentale. Laissez-moi le choisir lui, sans condition.
Puis, pour découvrir la réalité d’autres parents dans la même situation que nous, je vous suggère de visiter le site de Parents jusqu’au bout!
Comment pourrait-on accommoder les parents d’enfants à besoins particuliers? Quelles seraient vos suggestions?