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Était-ce vraiment une agression?
Crédit: Emilie Sarah Caravecchia

Il y a des sujets qui m’affectent plus que d’autres. Celui des agressions sexuelles en est un.

Ces jours-ci, j’ai été brusquée (et c’est peu dire) par les commentaires entendus, ici et là, dans les médias. J’ai été choquée par le traitement réservé aux plaignantes du procès Ghomeshi. J’ai été heurtée par les jugements faciles, par les associations méprisantes.

Comme si le fait d’avoir eu des rapports sexuels avec l’agresseur après l’agression enlevait, à l’agression, son caractère illégal. Avez-vous déjà entendu parler des femmes battues? Des relations malsaines? 

Savez-vous que dans 80 % des agressions, les victimes connaissaient leur agresseur et que dans 70 % des cas, les agressions avaient lieu dans une résidence privée?

Savez-vous que les agressions, ça peut arriver dans une relation?

Mais surtout, savez-vous ce que c’est d’avoir honte?

Avoir honte. Vraiment honte. Honte au point de n’en parler à personne. Honte au point de se mentir à soi-même. La nausée qui vient avec la honte. Celle qui donne envie de vomir à cause de soi-même.

Savez-vous ce que c’est de douter de soi? Douter des évènements. Se dire qu’on a clairement (not) amplifié la situation.

Savez-vous ce que c’est de remettre en question TOUS ses agissements? « T’sais, c’est vrai que j’étais vraiment saoule. » « C’est vrai que ma jupe était courte et mon décolletée plongeant. » « T’sais, j’ai peut-être laissé croire que… »

Savez-vous ce que c’est que de se dire « Ça ne peut pas m’être arrivée à moi? Je suis une féministe, je suis forte, je suis solide, je fais… attention (tout le monde sait ça, les victimes, ce sont elles qui doivent faire attention pour que ÇA n’arrive pas). »

Savez-vous ce que c’est d’avouer avoir été agressée? L’énoncer. Avec des mots. Verbaliser. Entendre les syllabes sonnantes. Ces syllabes qui passent du cerveau à la bouche, de la bouche au cerveau, et qui sortent dans une complexe contraction douloureuse de muscles. Écouter les mots qui résonnent sur les murs, qui reviennent aux oreilles qui, elles, ne veulent pas les entendre. Des mots, qui malgré leur immatérialité, matérialisent les gestes posés, les gestes subis.

Savez-vous ce que c’est le besoin de valider les faits? Valider avec d’autres personnes qui ont vécu le même genre de situation. Valider avec des personnes qui ont vécu la même chose que soi, voire avec… le même agresseur. (J’avoue, j’ai ben d’la misère avec la thèse de la collusion entre les plaignantes dans le procès de Ghomeshi.)

Savez-vous ce que c’est de porter plainte? Officialiser les gestes. Les voir écrits sur du papier ligné par une main qui recueille le témoignage. Subir l’interrogatoire. Subir, comme une seconde intrusion dans l’intimité, celle qui n’aurait pas dû être, celle qui n’était pas désirée.

Au printemps dernier, c’est (ré)arrivé. C’était la troisième fois que ÇA m’arrivait. La troisième fois dans ma vie que j’étais victime d’une agression sexuelle…

« Sti Cara t’apprends pas?! » C’est ça qui m’est venu en tête entre deux vomissements d’attaque de panique dans la chambre d’hôtel avec ma chum qui ramassait.

Coincée entre un mur et un homme qui ne comprenait pas que non, c’était non. Un « non » fort, assumé, répété, accompagné de gestes et de mouvements de recul. Quand t’arrives au mur… Qu’il n’y a que le mur… Le mur ou lui. Ouain… Mais, cette fois-là, j’ai été « chanceuse ». Quatre gars ont vu ce qui se passait. Ils m’ont dépris. Merci encore!

— Hey! Tu devais être soulagée?!
— Oui et non. 

Malgré que j’avais des témoins. Pas un, là, quatre témoins. Bien malgré tout, je me suis dit que… Je me suis demandé comment j’avais fait pour me retrouver encore dans une ostie de situation de marde de même. « T’sais, je suis un humain chaleureux. Je touche aux gens quand je leur parle. C’est plus fort que moi. T’sais, j’l’ai p’t-être cherché… »

Et même si au fond de moi, je savais que ce n’était pas de ma faute et que je n’y étais pour rien… J’ai douté, j’ai eu honte, j’ai eu envie de ne pas en parler et de faire comme si rien ne s’était jamais passé. Je ne voulais plus y penser. Ja-mais. Je voulais ignorer et cacher ÇA au plus profond de ma mémoire pour que même un psychanalyste chevronné ne puisse jamais trouver cette histoire.

Fait que…

Fait que, j’ai été soutenue par mes amis, par mon chum, par ma famille.

J’ai porté plainte… bon, pas à la police, mais j’ai porté plainte quand même. J’ai vécu le processus du témoignage et de tout le reste, quand même. Et, en gros, mon choix m’a permis d’obtenir une réparation plus rapide et satisfaisante à mon sens. 

Fait que maintenant, j’ai envie de dire à tous les bien pensants qui ont une opinion sur les agressions et les comportements à adopter ou non et à tous ceux qui ont l’empathie d’une plante verte, ben sachez que vous ne savez pas CE que c’est tant que vous ne l’avez pas vécu. Fait qu’un minimum de respect ne serait pas de refus.
 

Crédit : YouTube
 

 
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