Grand-maman, ça fait un an déjà.
C’est bizarre, non?
En fait, ça fait un an et des poussières de jours qu’on ne s’est pas parlé. La dernière fois, c’était sur Skype. Tu seras restée moderne jusqu’au bout. Tu étais dans ton petit lit, avec ta petite taille, mais tes yeux tellement bleus qu’ils traversaient l’écran.
Je donnerais n’importe quoi pour revenir à ce petit moment là. Sans doute parce que c’était le dernier et, surtout, parce qu’à quelque part, je le savais. On a parlé de choses tellement drôles, on peut dire que tu étais en excellente forme ce soir-là, et tellement lucide.
J’avoue que j’essaie souvent de me rappeler de ta voix. Elle est loin. On ne s’en rend pas compte, quand la vie va et que tout va très vite, justement. On ne pense pas que quelque chose d’aussi commun pourrait s’oublier si rapidement. Elle était belle, ta voix.
Des fois, je me demande si les gens ne t’ont pas oubliée, eux aussi. Parce que leur vie va et que, ben, t’es plus vraiment là, faut se l’avouer. Je me demande s’ils pensent à toi tous les jours, s’ils te parlent et s’ils sentent que tu leur réponds? Comme moi.
Je sais que tu es là. Je sais aussi que tous n’ont pas cette croyance que les gens reviennent. Il n’y a que toi pour revenir et ne pas nous lâcher. Autrement, tu t’ennuierais ben trop!
Tu as donc décidé que tu serais ce geai bleu. Et je trouve ça tellement parfait. Quand je suis arrivée dans ma nouvelle maison, à des centaines de kilomètres de chez toi, t’étais là. Ton chant unique m’a tout de suite happée. En fait, j’en revenais pas. J’aime penser que t’es là, parce que je te laisse venir à moi, parce que j’ai catégoriquement refusé de te laisser partir. Tu es décédée, mais tu n’es pas morte pour autant.
J’aime penser que tu sais tout ce qui se passe dans ma vie depuis un an, pas parce que « tu me regardes d’en haut », mais parce que tu es encore là, à ta manière. Ça me fait du bien de m’imaginer tes réactions face à un événement et j’adore surtout te voir dans les mimiques et le caractère de Maman parce que, eh, elle n’y échappe pas, c’est ta fille!
J’aurais aimé que tu sois physiquement présente le jour de mon mariage, mais le ciel était tellement bleu et les nuages si inexistants, ça ne pouvait qu’être tes yeux qui me regardaient. J’aurais aimé que tu sois présente le jour où j’ai pris la route pour m’installer ailleurs, mais ce ailleurs, c’est la mer et la mer, ben c’est toi. Et j’aimerais tant que tu puisses bercer mon bébé quand il va naître, en fait, je sais que tu vas le faire, je ne sais pas comment encore, mais tu as toujours été un peu sorcière!
J’ai l’intention de lui parler de toi souvent. De lui chanter du Jean Lapointe. De lui apprendre à aimer la vie et à défier les vagues, comme toi, son arrière-grand-mère, savait si bien le faire. Et le reste Grand-maman, c’est ta fille qui va s’en charger, eh, elle n’y échappera pas, il faut qu’elle soit au moins aussi incroyable que toi.
Sentez-vous cette connection avec un être cher qui n’est plus?