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Et si je te racontais comment on fait des bébés à mon époque, grand-maman
Crédit: Anne Genest

Comment t’expliquer, grand-maman, qu’en tant que mère, j’ai parfois l’impression de déranger. Dans ce monde où tu n’es plus là et où je vis, avoir des enfants n’a plus la même place qu’à ton époque. Pourtant, la maternité est lucrative. Les étalages sont remplis d’accessoires pour maman. Mais être mère n’est plus aussi bien vu que dans ton temps à toi, je crois.

On ne « tombe » plus tout à fait enceinte. On le choisit. On le devient. Un jour, on cesse de prendre des anovulants. Puis, on attend que le cycle ovarien se régularise et permette la nidification. Mais, parfois, aussi, comme à ton époque, on tombe enceinte par accident (oui, ça arrive encore). Alors on se pose des questions (longtemps, beaucoup). On jongle avec l’idée. Nous avons la chance d’avoir un meilleur accès à l’avortement.

Puis, si nous n’arrivons pas à fabriquer un petit être, il y a aussi des ressources pour ça. Malheureusement, elles ne sont plus facilement accessibles depuis que le gouvernement a mis fin au programme public de procréation assistée. Tout ça, dans un contexte où l’infertilité a doublé en dix ans. Aujourd’hui, grand-maman, après un an de tentatives, 16 % des couples échouent à concevoir un bébé. 
 

J’ai mis 9 ans à concevoir ma Laure, grand-maman.
Crédit : Anne Genest
 

Grand-maman, ta fratrie de 9 enfants est aujourd’hui spectaculaire. Dans l’ère folle où je vis, beaucoup de gens, hommes et femmes, étudient longtemps. Souvent, on attend d’avoir remboursé les frais de scolarité ou d’avoir un emploi stable avant de se lancer dans l’aventure de la parentalité. Puis, on attend de trouver le géniteur. Celui qui en a le désir, le temps, la volonté, les moyens, l’argent. 

Parfois, ce temps propice à la maternité arrive trop tard. Et les frais de fécondation assistée sont trop élevés. Et l’adoption demande trop de temps et trop de moyens.

Si tu savais comment je mesure ma chance d’avoir finalement une petite fille! Et même si son existence dans la mienne m’empêche d’être tout à fait là, dans ma vie professionnelle; et même s’il me faut parfois m’occuper d’elle et m’absenter du travail en encaissant le jugement de mon employeur pour prendre soin de mon bébé malade, cette immense responsabilité me remplit de bonheur. N’en déplaise à mon avancement professionnel. 

Tu sais, grand-maman, parfois, j’ai l’impression d’être une extraterrestre dans cette société où il me faut me séparer de ma fille 5 jours sur 7, la confier à une autre qui, elle, verra grandir mon bébé sans moi. Et tout ce sacrifice immense au nom de factures à payer et de frais de garderie qui grimpent!

Grand-maman, est-ce qu’on appelle ce choix du progrès?

 

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