Moi, je n’ai pas eu cette chance.
En fait, j’ai eu la chance d’avoir une mère-père, ma Lorelaï Gilmore.
Et qu’est-ce que ça fait? Un doux mélange entre ma mère à moi et une Lauren Graham moins caféinée, mais tout aussi féline quant à mon développement, mon bien-être et mon éducation.
Et de ne pas avoir de père, qu’est-ce que ça fait? Au début, presque rien. C’est plus tard que ça crée des manques. Des manques indescriptibles et pratiquement imperceptibles, sauf quand ils décident de se montrer.
Un parent qui choisit de ne pas s’occuper de son enfant, qui choisit de ne pas être présent, c’est une forme d’abandon et l’abandon, c’est insidieux. Ça s’immisce dans les plus petites parcelles de ton être, et un jour, ben, ça implose.
Faire confiance est difficile, voire impossible. Surtout faire confiance aux hommes. Pour la simple et bonne raison qu’ils ne resteront pas, ils partiront tôt ou tard pour quelque chose ou quelqu’un de mieux. Ils ne seront pas là, c’est certain. On ne pourra pas compter sur eux. L’abandon m’a permis de développer ce genre d’idées. C’est ma bibitte à moi. Ces généralités, ce sont mes propres perceptions erronées de la vie. Je le sais.
Et c’est un pattern bien malheureux. Le genre de pattern qui transporte avec lui des comportements qui semblent acceptables à l’adolescence, mais qui, à l’âge adulte, deviennent de vrais boulets. Comme de dire « adieu » par exemple. Dire adieu avant que ça fasse mal ou juste parce qu’on a peur d’avoir mal. Dire « c’est fini, merci, mais très peu pour moi », parce qu’on pense – parce qu’on pense qu’on sait – que c’est ce qu’il veut. Dire adieu pour éviter la douleur et la peine. Ça fait tellement moins mal d’être en contrôle. Si le mal provient d’une décision personnelle, c’est moins pire, on ne peut que se blâmer soi-même.
Mon amoureux, mon chum, mon mari, ça m’a pris des années à lui faire confiance, vraiment confiance. Ce n’est pas un menteur, ce n’est pas un manipulateur, ce n’est même pas un contrôlant. Il n’est pas jaloux, il n’est pas possessif et il est tout, sauf violent. À l’intérieur de moi, il ne pouvait pas vraiment rester. Je lui ai dit plusieurs fois que c’était fini, qu’on devrait vivre nos vies, qu’il devait être tanné de moi, qu’il serait mieux ailleurs. Je lui ai ouvert cette porte, tendu cette perche, montré ce chemin tellement de fois, que c’est lui, un jour, qui m’a dit que si c’était vraiment ce que je voulais, il le ferait. Ça m’a réveillée. Pourquoi vouloir être abandonnée par choix? La réponse, la vraie, je ne l’ai toujours pas.
J’ai appris à lui faire confiance, en me faisant confiance à moi-même, en cessant d’avoir peur. Parce qu’un père qui s’en va sans jamais revenir, c’est ça que ça fait. Ça nous laisse avec l’estime de soi d’une enfant de 12 ans qui essaie de se construire, qui essaie, dans mon cas, de devenir une femme.
Mon enfant, je lui ai promis une chose. Je lui ai promis qu’il aurait un père. Promis que j’avais choisi un homme en qui j’ai une confiance aveugle et qui, peu importe les tempêtes, serait là pour lui et l’aiderait à devenir une personne à part entière. C’est épeurant cette confiance que l’on donne à l’autre. Je ne sais pas comment c’est supposé agir, un vrai papa.
Je suis sûrement un peu Lorelaï Gilmore sur les bords, mais je me promets de laisser à mon chum la place qui lui revient auprès de notre enfant, même si cette place, moi, c’est ma mère qui l’a comblée.