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L’État dans la tête : la petite victoire du terrorisme
Crédit: Skeeze/Pixabay

Tous ceux en état de constater l’ampleur du drame se souviennent où ils se trouvaient au moment des attentats du 11 septembre. Je me souviens davantage de l’inquiétude qui m’habitait.

Je venais de faire connaissance avec le terrorisme.

Terrorisme. Le terme est clair. Définitif. Utiliser la terreur à des fins politiques, religieuses ou idéologiques. Je n’ai pas construit de bunker. Je réussis à dormir, manger. Je suis fonctionnelle. Mais depuis les attentats de New York, je cohabite avec la peur. Les médias renforcent ce concubinage. Sur toutes leurs sphères, la cruauté des terroristes est diffusée. La terreur est diffusée.
Ces images et vidéos sont diffusées partout. Est-ce que les familles des victimes les ont vues? En entier, par choix ou juste un flash, en parcourant les chaînes? Je ne peux imaginer leur douleur. Je n’oublierai jamais la vue de la mère de Peter Kassig portant le voile, implorant les terroristes d’épargner son fils.

Quelques années plus tard, il y a eu Paris. Entre autres Le Bataclan. Et puis la Belgique. J’aurais pu m’y trouver. La tyrannie pourrait s’y reproduire. Mes enfants pourraient alors s’y trouver.

Les attentats du 13 novembre ont marqué le début de ma peur du terrorisme en tant que maman. J’ai placé un couteau dans le tiroir de ma table de chevet. Un couteau de la marque Betty Crocker. C’est mon arme de chevet.

Il y a peu de risques qu’un membre de l’État islamique décide que le moyen ultime d’instaurer la charia en Amérique soit de s’infiltrer dans mon appartement au milieu de la nuit. Si c’était le cas, je doute que mon couteau acheté au Dollarama fasse le poids contre une kalachnikov. Mon couteau n’est plus très affilé. J’ai peur.

La crainte m’habite lorsque j’utilise les transports en commun. Si j’étais terroriste, c’est dans le métro que je commettrais un attentat. Les victimes y sont nombreuses, prises dans un wagon et, surtout, difficiles à secourir. J’ai souvent cédé à la panique dans le métro. Sortie à cause d’une porte qui tarde à ouvrir. Perdu mon calme en détectant une odeur étrange (dans le métro, imaginez!) ou un son inhabituel.

Je ne sais pas si je suis la seule, si c’est rationnel. Mais j’ai peur. La menace n’est pas assez concise, précise, réelle, présente pour que je me convertisse ou que je m’abandonne. J’ai peur.

C’est leur petite victoire.

Je vis, habitée par cette peur qui m’est graduellement familière. En quinze ans, la menace terroriste a grandement évolué. Je me demande souvent si le monde existera assez longtemps pour que mes enfants deviennent parents. Si oui, auront-ils aussi peur que moi? Est-ce que la menace fera partie de leur quotidien? Quand est-ce que ça va finir? Et comment? Combattre la terreur par le courage. Ne pas avoir peur. On nous dit de ne pas avoir peur.

Désolée.

J’ai peur. Que ce soit rationnel ou pas.

Les terroristes sont entrés dans ma tête. Chaque fois que j’ai peur, je les entends célébrer leur petite victoire.

 

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