Ma fille n’avait que quatre semaines lorsque mon frère, mon héros de jeunesse, nous a quitté. Je nageais en plein océan de bonheur avec la naissance de mon petit trésor, et voilà qu’une partie de mon univers s’écroulait à tout jamais. On n’est jamais prêt pour un tel événement, mais honnêtement, je pense qu’on l’est encore moins en post-partum.
Je me souviendrai toute ma vie de l’expression sur le visage de mes parents et les mots qui ont précédé l’annonce de sa mort. Nous avions parlé de la météo. Quelques secondes se sont écoulées entre le moment où il faisait doux et le moment où mon monde s’écroulait. Quand je repense à ce moment, je réalise que j’étais sur une autre planète. Ma tête et mon corps n’étaient plus connectés au reste de ce monde.
Les journées qui ont suivies ont été dénuées de sens. J’avais la tête qui tournait sans cesse. J’étais étourdie à force de trop remuer les regrets. J’étais déchirée entre mon bonheur de la naissance de ma fille et ma détresse par rapport à la mort d’une personne qui m’était extrêmement chère. À défaut de ne pouvoir m’enfuir ou m’effondrer pour oublier ma peine, j’ai fini par me noyer dans ma nouvelle vie de maman. J’ai réussi à garder la tête hors de l’eau. Ma fille a été ma bouée de sauvetage, même si je ne pouvais me permettre de me laisser trop dériver.
À son enterrement, je me sentais quasiment zen avec la situation. Je pensais avoir fait une bonne partie de mon deuil. Je pensais que le pire était derrière moi, que j’avais trouvé une certaine forme d’équilibre dans cette situation paradoxale, dans mes sentiments contradictoires qui m’habitaient depuis cet événement. C’est quelques mois après que j’ai compris que cet équilibre n’était que du vent. Je m’étais mise en mode survie pendant mon deuil, parce que je ne pouvais juste pas me permettre de me laisser sombrer. J’ai vécu mon vrai deuil des mois plus tard, dans l’anonymat, alors que tout le monde continuait à vivre comme si de rien n’était, du moins c’est l’impression que j’avais. J’ai réalisé que l’être humain a une capacité de résilience très développée.
J’ai étiré mon deuil, comme si le fait de continuer à le vivre m’aiderait à diluer la douleur et à me pardonner mes regrets. Près de 18 mois après sa mort, je commence à envisager de pouvoir tourner la page, de me dire qu’il est temps de laisser aller.
Tranquillement, mais sûrement, je lâche prise, même si mon subconscient me joue parfois des tours. Je rêve souvent à lui, qu’il est en vie, qu’il est guéri, qu’il va bien. C’est beau l’espace d’un instant, puis au réveil c’est encore plus douloureux. Je me dis que c’est ma façon d’accepter l’inacceptable, de me pardonner, de lui pardonner, de continuer à avancer.
Avez-vous eu à vivre un événement difficile en pleine crise de post-partum? Comment l’avez-vous géré?