Durant notre séjour à l’hôpital suite à mon accouchement, on nous a remis des petits cartons. À lire, remplir et signer. En gros, ça parlait du syndrome du bébé secoué, des conséquences possibles et ça donnait des trucs pour se calmer.
Ça nous faisait bien rire. Franchement! Avec tout ce qu’on voit dans les nouvelles, qui aurait l’idée d’aller secouer son bébé? Sur les cartons, une phrase sur deux se résumait à « Ne pas secouer le bébé ». Mon chum, inspiré, a improvisé une belle toune de rap intitulée « Don’t shake the baby ». Quand même cocasse venant d’un ex-chevelu qui écoute de la musique de pwel.
Puis, nous sommes revenus à la maison. La routine s’est installée. La fatigue aussi. Les cinq semaines de paternité de papa se sont terminées et je me suis retrouvée seule à la maison. Avec mes cernes, mes trois chiens et mon bébé qui buvait entre dix et douze fois par jour… Pendant une heure par boire… Et qui hurlait au complot si nous osions avoir l’audace de lui proposer autre chose qu’un sein à se mettre dans la bouche.
Après quelques semaines pendant lesquelles dormir deux heures d’affilée était devenu un exploit en soi, j’étais épuisée. J’ai eu droit à LA crise de larmes. L’inconsolable. Celle avec la couche vide et le bedon plein. Celle où on a beau tout essayer, rien n’y fait. Il hurle, il pleure, il se tord dans tous les sens. Il me hurle dans les oreilles depuis de trop longues minutes. Mon cerveau a envie de se liquéfier et d’aller voir ailleurs.
Je me suis dirigée dans sa chambre pour le déposer dans son lit. Pour aller respirer loin pour quelques jours dans une autre pièce un petit deux minutes. Et c’est là que c’est arrivé. En l’éloignant de moi, à mi-chemin entre le creux de mon cou et son matelas, je l’ai sentie. L’envie de le brasser de l’avant vers l’arrière et de lui hurler d’arrêter; suivie immédiatement d’un sentiment de culpabilité et de honte, d’une boule qui me montait dans la gorge et d’un mal-être généralisé.
Avec les bras raidis pour m’empêcher de faire ce qui me passait par la tête, j’ai réussi à le déposer en douceur dans son lit. Je suis partie m’enfermer dans ma chambre et je me suis écroulée. Quelle personne exécrable j’étais devenue pour qu’une telle chose me passe par la tête?
Quand mon chum est revenu à la maison, j’étais en miettes. Il a réussi à me raisonner en me disant que s’il faisait autant de prévention à l’hôpital, ce n’était sûrement pas pour rien.
Je me suis permis d’en parler à quelques mamans de mon groupe Facebook en qui j’avais confiance. Et j’ai su que toutes, sans exception, avaient vécu une situation semblable au moins une fois. Mais elles avaient aussi trop peur des jugements pour en parler.
En plus de me rassurer et de me sentir moins seule, ces aveux m’ont permis d’apprendre que personne n’est à l’abri d’un trop-plein d’émotions. De comprendre (sans excuser!) ce qui peut se cacher derrière certains gestes irréparables. Et aussi de réaliser que la prévention dans les hôpitaux et les médias est essentielle pour éviter que de tels événements ne se produisent.
Avez-vous aussi vécu une situation semblable?