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Le plus long des hivers
Crédit: Larisa-K/Pixabay

La fausse couche, on en parle peu. « On peut toujours recommencer. »
21 décembre : fin de ce qui allait devenir mes dernières règles, la date qui déterminerait le début de tout… Ces fameuses semaines d’aménorrhées. C’est fou à quel point les calculs deviennent primordiaux dans l’univers des futures mamans.
 
25 janvier, test de grossesse positif. Le premier de ma vie, je peux donner la vie! Je suis fébrile, mais si heureuse.
 
23 février : echo-dating. Bébé a huit semaines et cinq jours, je vois très bien ses petites pattes, bras et jambes bouger. Et son cœur battre ! Une pulsion de lumière, magnifique et si émouvante. Je porte la vie!
 
14 mars : 12 semaines de grossesse. Aucun saignement, les maux de cœur sont maintenant pas mal terminés, tout va pour le mieux, mon bébé a franchi le cap du premier trimestre et s’est bien accroché.
 
15 mars : en compagnie de papa, rencontre avec mon médecin pour bilan de grossesse et écouter le cœur de bébé. Elle est incapable de l’entendre, mais se veut très rassurante : « Il arrive à l’occasion que le bébé soit dans une position qui rend le battement plus difficile à capter. » Malgré sa douceur et sa volonté de ne pas trop m’inquiéter, j’ai la peur de ma vie, je pense au pire. Tout s’écroule, je ne peux pas envisager la possibilité que tout ça s’arrête maintenant, c’est impossible!
 
16 mars : constat médical par échographie de l’arrêt de croissance du fœtus à huit semaines et six jours. C’est une grossesse arrêtée. Le petit cœur a arrêté de battre, tout doucement, sans aucun signe. Plus de pulsion magique de lumière blanche, une scène aussi triste chaque fois que je la revis dans ma tête. Rapidement, je fais l’annonce à mes proches qui étaient au courant, ce qui rend la réalité de plus en plus douloureuse.
 
3 choix s’imposent alors :
– Déclencher avec des médicaments : moins on intervient artificiellement au niveau médical, mieux je me porte
– Faire une aspiration, sous anesthésie générale. Non merci pour moi.
– Laisser faire la nature, mais ça pouvait encore prendre quelques semaines

La 3e option était pour moi la moins pire, la plus fidèle à mes valeurs personnelles. S’en est suivie trois jours de peine, bien avant le deuil, vécus dans une espèce de brume difficile à décrire. Comme un mauvais buzz, j’étais zombie, pas tout à fait là. Mais je me dépêchais, malgré tout, à tout de suite rassurer et consoler les gens à qui j’annonçais la mauvaise nouvelle, je suis comme ça.
 
20 mars : fausse couche, contractions, expulsion. J’ai senti mon col se dilater, mon utérus se contracter. Des contractions qui se rapprochaient de plus en plus, le même principe qu’un vrai accouchement. Tout ça a duré six heures pour finalement sentir le fœtus passer à travers le col, suivi du placenta et de tout le sang qu’il faut pour fabriquer un petit être humain. Mon amoureux fut extraordinaire avec sa douceur, sa chaleur et son réconfort. Mais malgré tout, une profonde solitude à « accoucher » sans corps médical, dans mon salon. À souffrir physiquement et mentalement, à voir ces petits morceaux de chair qui auraient dû être mon bébé. 
 
28 avril : mes règles reviennent après 18 semaines d’absence. Je pleure. C’est bel et bien la fin d’une saison marquante de ma vie… J’ai été sa maison durant ce temps, lors de sa brève existence de l’hiver 2016. Ma fierté des débuts et ma tristesse cohabitent depuis dans mon corps. Je tente de mettre des mots sur ce que je vis. Accepter aussi que j’ai le droit d’en souffrir, même si je suis la confirmation d’une statistique. Une des nombreuses 25 %.

« C’est pas grave, ça arrive à une femme sur 4, vous en ferez un autre. » C’est pas un autre que je veux, c’est celui-là. Car la vie de cet enfant, je l’avais imaginée, je l’avais projetée, et pour moi, elle était aussi réelle que la vie d’un enfant qui est né, qui a respiré, qui a parlé. D’avoir le sentiment que toutes les autres ont réussi là où j’ai échoué : donner la vie. Voilà pourquoi je pleure encore.
 
La fausse-couche, on en parle peu. Pour celles qui ont vécu, vivent ou vivront cette dure épreuve, je vous encourage à en témoigner et d’échanger avec les autres qui sont passées par là. Ça vous permettra de faire votre chemin vers le deuil. Vous n’êtes pas seules.

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