Nouvelle sur TPL Moms, je jure que j’ai eu un long moment pour imaginer l’angle percutant et intellectuel avec lequel j’allais me présenter, briser la glace et vous éblouir de finesse. Puis, il y a eu Hier, avec un H majuscule de drame. Hier, j’ai été convoquée pour Discuter avec un grand D (oui : avec un D majuscule de drame) par l’enseignante de ma fille aînée. Encore!
Grande-fille, huit ans, est dyslexique, dysorthographique, surdouée, anxieuse et insomniaque. À la veille de terminer sa troisième année, elle est épuisée de se sentir différente, elle en a marre des grands traits rouges bariolant ses examens, elle n’en peut plus de se faire dire qu’avec un peu plus d’efforts, elle réussirait. Mon enfant, je la sais puissante à ce jeu dont le but est de faire hurler les adultes à sa place quand le mal intérieur est trop grand. Or, cette année, c’est l’apocalypse; je n’ai pas réussi à être entendue par l’enseignante. Je ne suis pas parvenue à transmettre la connaissance que j’ai de mon enfant. Je sens que j’ai échoué. Mi-mai, Grande-fille est toujours un mystère pédagogique dans sa classe et moi, je suis prise dans mon image de mère hystérique. Cul-de-sac.
Fait divers intéressant, je suis aussi enseignante de français. C’est horrible, ce double rôle. Quand j’évoque le droit de ma fille à avoir recours aux outils prescrits par son plan d’intervention, je les vois, les yeux de son enseignante qui tournent dans leurs orbites. Ça me donne envie de rugir comme une mère et de défendre ma position comme une professionnelle : cocktail explosif, vous en conviendrez. Eh bien hier, la moi-prof a sauté un plomb et la moi-maman s’est effondrée. Ainsi, Hier-avec-un-grand-H, j’ai abandonné. J’ai envoyé papa aux barricades.
Crédit: Karol-Anne Auger
Avec mon époux, nous formons une équipe aux rôles bien définis : maman invente le quotidien, papa crée l’extraordinaire. Le sentiment d’échec qui m’est apparu lorsque j’ai demandé à papa de se mêler du quotidien scolaire a été poignant. C’est MON travail, l’éducation! Boule dans la gorge : allait-il réussir à défendre notre fille sur mon territoire? Est-ce que déléguer, c’était me reléguer dans le coin? Ne devais-je pas être là pour ma fille? Il a sourcillé : c’est la sienne aussi.
« C’est vrai, chéri, excuse-moi. »
16 h 30 : papa était de retour, déjà. « Viens ma fille, on va prendre une petite marche. », qu’il a dit tranquillement à Grande-fille. J’ai fait des yeux inquiets, il a répondu par des yeux rassurants. Je les ai regardés sortir pour réaliser de l’extraordinaire. J’ai eu envie de m’en mêler, mais j’ai compris que papa ne prenait pas mon rôle, il remplissait le sien. Avec Petite-fille, donc, j’ai fait des biscuits.
Pendant que je roulais de la pâte à la vanille, mon époux réinventait le monde. C’était extraordinaire, c’était sa place. Finalement, Grande-fille a bien dormi, le dessert était bon et hier a perdu sa majuscule. J’étais là finalement, j’ai fait des biscuits.