J’ai toujours été une fille pragmatique, méthodique, très terre-à-terre. Lorsqu’il y a un problème, il y a une solution claire. Pour moi, un et un font deux. Toujours. L’envers de la médaille est que je vis très mal avec l’incertitude. Le doute me rend folle. Je n’aime pas sentir que je perds le contrôle. Je suis nettement plus confortable avec le noir et le blanc, j’ai du mal à vivre avec le gris.
Mon Lilou a commencé très tôt à manifester une préférence pour les vêtements et jouets féminins. Dès l’âge de 2 ans il utilisait mes camisoles pour se faire des robes, jouait avec mon maquillage et avec mes talons hauts. Nous le laissions s’amuser, comme tous les enfants. Vers 3 ans, les propos plus embêtants ont débuté. « Quand je serai grand, je serai une fille », « Dans mon cœur, je suis une princesse », « En vieillissant, je n’aurai plus de pénis ».
À l’aube de ses 4 ans, nous n’avions plus le choix, nous devions chercher de l’aide. Nous avons commencé par en discuter avec son pédiatre dans l’espoir qu’il nous rassure, que cela allait passer, que tout était normal. Au lieu de cela, nous sommes ressortis du bureau avec une demande de consultation pour le pédopsychiatre spécialisé sur le sujet au Québec. « Garçon 4 ans, possibilité transgenre » que ça disait…
L’attente fut interminable. Six longs mois où nous ne savions pas comment réagir, quoi dire, quoi éviter. Six mois à essayer de faire notre possible en suivant notre logique, en respectant notre enfant et en écoutant notre cœur. Pendant ce délai, il y avait d’un côté mon Lilou qui semblait devenir de plus en plus malheureux, colérique, qui faisait des crises épouvantables au magasin pour que je lui achète une vraie robe. De l’autre côté, mon amoureux, celui que j’ai choisi pour être le père de mes enfants, qui ne voyait pas la situation exactement comme moi, qui était plus réticent à aller de l’avant. Et moi, entre les deux, le cœur écrasé de voir l’un ou l’autre malheureux, déçu.
Finalement, le grand jour est venu. « Votre enfant est un enfant créatif dans le genre. Rien ne presse pour qu’il se définisse définitivement. Vous devez le laisser explorer, lui donner libre accès aux deux côtés, sans mettre de pression d’un côté comme de l’autre tout en le protégeant dans le but de diminuer le plus possible son anxiété et ses sentiments négatifs. » Facile à dire… Ainsi, depuis ce temps, mon Lilou a des vêtements de garçon et des vêtements de fille. Il a le choix de s’exprimer comme il le veut via sa tenue vestimentaire. Tantôt il est en garçon et tantôt, il est en fille. Très loin du noir ou blanc.
J’exprime ici mon intolérance, mon inconfort avec toute l’incertitude qui entoure l’évolution de mon enfant. MA faiblesse à moi lorsque j’ai l’impression de ne pas être en contrôle, de ne pas avoir de marche à suivre précise. Mon Lilou, par sa différence, me fait grandir tous les jours en m’exposant au gris, en me forçant à m’arrêter, à me parler et à lâcher prise. Aujourd’hui, elle est une fille. Demain, il sera peut-être un garçon. Mais, l’important, c’est qu’ici et maintenant il y a mon enfant qui a besoin d’amour et de tolérance et il y a moi, remplie d’amour pour lui/elle et de plus en plus tolérante chaque jour…