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Mon mari a perdu ses parents à l’âge de 16 ans

J’avais vu dans ses yeux une force tranquille.  Une force que l’on acquiert trop souvent après un drame.  Un drame lourd qui jette à terre.  Un drame qui force à choisir : se relever et vivre ou s’écraser…

Il s’était relevé.  À sa façon, certes, mais il avait réussi.  Jamais vous ne l’entendrez parler de « ça ».  Sauf s’il est question de vous aider dans votre propre peine.  Là, c’est comme si son secret devenait accessible et avec les mots qui lui sont propres, c’est en faisant des nœuds avec ses doigts qu’il vous dira « je te comprends »…

Mon beau mari est devenu orphelin.  Pas à 50 ans.  Pas à 40.  Non plus à 30.  Ni à 20.  À 16 ans, genre.

Quand on grandit, la vie, on la prend (un peu) pour acquis.  Et c’est tellement normal : tout est devant nous.  On a le droit de penser que nos parents nous verront grandir, nous émanciper et vivre plein de premières fois.  Des premières fois qui nous feront devenir adulte.  Des premières fois qui sont pour eux, une petite tape dans l’dos :  « Regarde mon amour, on a bien fait ça… »

Quand il m’a partagé son secret, j’ai eu les jambes sciées.  Comment on fait pour survivre quand, à 16 ans, on perd ses repères?

« On fait des casse-têtes » qu’il m’avait répondu.  « Ça occupait mes nuits blanches ».

Grandir sans ses parents, c’est apprendre à finir son secondaire seul.  C’est faire le deuil de magasiner son habit pour le bal avec notre maman.  C’est ne pas pouvoir voir ses yeux briller de fierté, au travers de belles larmes de bonheur.  C’est oublier l’idée de prendre une première bière avec son père.  Ne jamais pouvoir essayer de le battre au pool.  C’est de ne pas pouvoir leur présenter la femme qu’on aurait envie d’épouser.  

Perdre ses parents à 16 ans, c’est de ne jamais les voir vous regarder l’air de se dire « Regarde mon amour, on a bien fait ça ».  

J’ai appris à vivre avec mon beau mari tous les deuils qu’il lui reste à traverser.  À 35 ans, sa vie est encore remplie de futures premières fois qu’il vivra sans eux.  Mais maintenant et depuis déjà dix ans, c’est ensemble qu’on le fait.

Survivre à ça, c’est aussi s’adapter et se foutre des conventions.  C’est, à son mariage, s’inventer une table d’honneur à trois : les mariés et leur poupée de 2 ans.  C’est laisser tomber la première danse avec les parents pour danser juste un peu plus longtemps avec sa femme sur « What a wonderful world ».  C’est avoir comme tradition de manger une poutine en famille à côté de la tombe de ses parents et décider que ce n’est pas morbide ni même triste.  C’est de parler d’eux.  Souvent, même.  C’est d’avoir un toutou réconfortant du nom de Simone.  C’est d’avoir un fils qui s’appelle Gabriel.  C’est de prendre l’avion sans avoir peur et dire à sa femme « Chérie, ça va bien aller.  La foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit ». 

Dans notre vie d’adulte, notre vie de parent, notre vie de couple, notre vie de professionnel, les épreuves arrivent et partent.  Elles s’accumulent, même.  Des fois, ça devient plus lourd.  Et on peut perdre un peu l’espoir.  Venir à se demander si ça va arrêter et se sentir à bout.  De souffle.  D’espoir…  

La vie peut être difficile et cruelle.  Mais la vie, c’est un peu comme un balancier.  Ça va toujours des deux côtés.  Alors si le balancier est allé fort, très fort d’un côté, qu’il vous a jeté par terre, ou presque, sachez qu’il viendra de l’autre.  Il suffit d’être assez patient.  Et de croire que oui, il reviendra.  

Si, un jour, croire ça devient difficile, pensez à ce garçon de 16 ans qui faisait des casse-têtes.  Quand on s’est rencontrés, il les a tous empilés sous l’escalier, comme pour dire qu’il n’en avait plus besoin mais aussi pour nous rappeler que tout « ça », c’était pas si loin.  

Récemment, j’ai vu mon beau mari les ressortir et j’ai souri.  Je savais que les nuits blanches n’étaient pas de retour…

Puis, je l’ai vu s’asseoir avec nos enfants.  Et refaire, avec eux, ces casse-têtes qui ont occupé ses nuits blanches, pour que le temps fasse son oeuvre.  Pour que le balancier revienne…

Aujourd’hui, j’ai envie de vous dire que mon beau mari, c’est pour moi, un des plus beaux messages d’espoir que peut porter la vie.  

J’ai envie de vous proposer un partage d’espoir.  Alors je vous demande : vous, votre espoir, c’est quoi?

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