C’est l’heure du conte. Dans mon salon, le canapé est rempli. Chat roux, Chat gris, papa, Mamzelle 2 ans et moi-même tentons de nous faire une place parmi deux doudous, huit coussins, dix-huit Playmobils, trois Ugly Dolls et Markus de la Pat’Patrouille. C’est parti pour la lecture du conte Les Trois Petits Cochons! 

On arrive à la dernière page, la tension est à son comble : le loup gonfle ses poumons pour souffler sur le bungalow en brique du 3e petit cochon quand, tout à coup, je lis la frayeur sur les traits de ma pauvre progéniture.  L’idée d’un loup sorti de nulle part qui anéantit une demeure, ça lui fout la chienne comme pas possible.  Je passe vite à la conclusion, nous célébrons la victoire des porcelets adeptes du Canadien Tire, mais sans succès.  Je vois bien que ma fille reste dubitative.  En la bordant quelques minutes plus tard, elle me demande si le loup est quelque part dans la maison. Je fais ma job, je la rassure en lui faisant les mêmes speechs qu’on sert aux enfants depuis des générations.

Qui a peur du gros méchant loup?
Crédit: clotho98/Flickr

En refermant la porte de sa chambre, c’est à mon tour d’avoir un vertige pétrifiant. Il n’existe pas de loup qui souffle comme un chasse-neige John Deere, mais je sais, avec ma tête d’adulte, qu’il existe bien pire. 

Ma fille, j’veux qu’elle grandisse dans une chanson d’Ingrid St-Pierre.  J’veux qu’elle fonce à faire fondre les cauchemars de janvier. J’veux qu’elle puisse devenir qui elle veut, aimer qui elle aime, faire ce qu’elle a envie de faire dans la plus grande expression de liberté.

Et faut être sacrément dans le déni pour croire que notre enfant aura une vie loin du jugement et de l’intolérance des autres. D'un méchant-méchant qui déverse des flots de bêtises certifiées.  Qui les exporte sur les réseaux sociaux où ça se share comme un virus dans une garderie.  Ou pire, qui décide de faire fi de la parole, pour mieux traduire la virulence de ses sentiments via ses poings.  

J’ai pas à chercher loin. Des histoires d’intimidation qui finissent mal, j’en connais. Des personnes influentes qui incitent à la connerie. Et même des armes semi-automatiques qui finissent par servir d’arguments.  La laideur du grand méchant loup, elle existe, véritablement.

Que dois-je dire à ma fille pour qu’elle sache que de la laideur, il y en a?  
Qu'aujourd'hui, je suis là, mais que dans la cour de récréation ou dans une salle de réunion, je n'y serai peut-être pas?

Je veux qu'elle sache que, malgré tout, il ne faut pas renoncer à être qui on veut, à aimer qui on aime, à faire c’qu’on a envie de faire.
  
Parce que c’est ça qui est important. 

Devant l’intolérance et la méchanceté, le plus beau bras d’honneur qu’on puisse présenter c’est soi-même, dans toute son individualité. 

 

 Crédit : Igor Yaruta/123RF

Les taches de rousseur sur le nez, un penchant pour l’astrophysique ou la nage synchronisée, le sexe de l’amant choisi, le droit de croire en soi, peu importe le poids. 

L’amour de la différence, quelle qu’elle soit, c’est ça qu’il faut encourager, c’est ça qu’il faut protéger. Quitte à l’emmurer dans un bungalow de briques à l’abri des loups de contes de fées.
C’est ce que je lui dirai.

À quel âge avez-vous parlé d’intimidation avec vos enfants? Avez-vous été intimidé(e)? Avez-vous peur que votre enfant le soit un jour?