Je pars pourtant avec les meilleures intentions. Des collations pour tout le monde.  Un seau, un ballon.  Peut-être un camion.  L’intention de goûter l’été, de faire finir ça autour d’une glace marbrée.
C’est tristement là où s’arrête ma raison.
Je l’avoue, sans une certaine gêne, il m’est impossible de compléter une mission « parc d’été » sans avoir le net sentiment d’avoir perdu 3 ou 4 kilos de dignité.
À commencer par ces talons que j’ai gardés.  Ce short qui ne me va plus vraiment depuis la maternité.  Et cette expression affichée, un mélange d’espoir, de fierté et d’amour-propre un peu blessé.
 
À peine ma fille commence-t-elle ses premiers pâtés que je suis déjà trempée, incapable de déterminer le meilleur emplacement où déposer mes sacs et mon fessier.
Le soleil plombe.  L’ombre, directement proportionnelle à mon degré d’enthousiasme, disparaît.
Le couinement d’une balançoire.  Des ongles raclant le toboggan.  Du sable dans une couche.  La vision soudaine de ma fille pendue au plus haut échelon du module de toutes les malédictions.
Une cigale. L’ambulance au loin.
La pression monte, monte.
La main de ma gamine s’élève, là, prête à s’abattre sur la joue du petit Robin.

Anxiété, te revoilà. Tu ne m’avais presque pas manqué. 

Crédit: Giphy

C’est inévitable.  Au ralenti, je me précipite, yeux écarquillés, traversant l’aire de jeu devant toutes ces mamans qui chillent paisiblement.   
Moi qui y arrive si mal, elles qui y arrivent si bien.
Ai-je hurlé?  Ai-je sacré? Ai-je failli marcher sur le pied de Chloé?

Arrivée, je m’aperçois bien que ma fille, elle, rigole.  À gorge déployée.  Ma canaille s’amuse grassement, ses bras tendus vers moi, heureuse de me voir poindre au bout du parcours sablé.  Ne voyant ni ma maladresse en talons ni ma craque que j’arbore pourtant depuis un bon moment aux yeux des petits et des grands.
Ce rire, petite mélodie enchantée, cet adorable rire qui me fait tout oublier.
On s’excusera auprès de Robin.  On textera papa pour lui dire que tout va bien.
 

Crédit: racorn/123FR
 

Je me demande soudain si ce n’est pas ma perception qui me passe un sapin. 
Suis-je vraiment à deux doigts du Girls Interrupted?  Sommes-nous plusieurs  dans ce parc à nous répéter le même refrain?  Suis-je chill aux yeux de la maman de Benjamin?  Est-ce vraiment important de répondre à toutes ces questions?
 
Les règles du parc sont strictes.  Et y’a nulle part d’écrit qu’être un brin batshit crazy, c’est pas toléré dans l’enceinte des festivités.
 
Vous arrivez à garder votre sang-froid et votre dignité entre la balançoire et la fusée?  Ça vous tente d’en parler?