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Tomber enceinte comme on tombe d’une falaise : la remontée
Crédit: Unsplash/Pixabay Montage : Isabelle Bujold

Avant de lire cet article, je vous conseille de lire la partie 1 et 2.

J’ai atteint le fond de mon baril et si je ne remonte pas prendre une bonne bouffée d’air, j’ai l’impression que je vais en crever. Même si la crevette qui grandit dans mon ventre me plonge dans un profond désarroi, elle mérite mieux que ça.

Dans mon ancienne vie de DINK (Dual Income No Kids), j’aurais fouillé sur le site de l’ordre des psychologues et trouvé un psy pas trop loin, dont l’expertise et l’approche correspondent à mes besoins. Sauf que mon chum étant retourné aux études, le DI a pris le bord et il semblerait que le NK aussi. Je me tourne donc vers notre réseau de santé public et prends une marche vers le CLSC, les yeux humides et le courage vacillant.

Mon sentiment en marchant vers le CLSC
Crédit : Giphy

À l’accueil, je demande de rencontrer une travailleuse sociale. On ne me pose pas plus de questions et on me demande d’attendre. Fiou. Pas envie de me liquéfier dans le hall d’entrée. Quelques minutes passent et on m’appelle. Je m’assois dans un bureau beige et sans fenêtres, anonyme, moyennement propre, mais l’important, c’est qu’il y ait une paire d’oreilles devant moi et une boîte de mouchoirs rugueux.

Je déballe mon histoire. Je réponds à toutes sortes de questions sur mon réseau, ma famille, mon enfance. Je pleure, même si je fais tout pour me retenir de le faire. Une fille a son orgueil, t’sais. Je comprends que le mot-clé qui accélère les choses est « avortement ». J’y pense, même si je n’y pense pas en même temps. Je ne sais plus. Cette incertitude place mon dossier en haut de la pile. Je retourne à la maison et j’attends qu’on m’appelle. Juste de savoir que quelqu’un quelque part va m’aider, je me sens déjà un peu mieux. Quelques jours plus tard, je reçois l’appel attendu et la première rencontre est fixée.

Je me pointe au CLSC un peu stressée. Et si ça ne clique pas? Le service étant gratuit, je ne peux probablement pas dire « non merci, je préférerais quelqu’un d’autre ». Je suis déjà chanceuse d’avoir quelqu’un à qui parler aussi rapidement. Si je n’étais pas enceinte, ma détresse et moi aurions séché pendant des mois et on me l’a dit assez clairement. On m’appelle, je m’assois dans le bureau, on jase un peu et ça clique, à mon grand soulagement. La TS qui prend en charge mon dossier n’est pas une spécialiste des bedaines, au contraire, et elle me le fait savoir. Je comprends, au fil des conversations, qu’elle n’a jamais eu d’enfants et je devine à son âge que la situation ne changera pas. Elle ne connaît rien aux bébés et à leur fabrication, et moi non plus. Par contre, elle s’y connaît en angoisse et en stress, et moi aussi.

Moi, dans la plupart de nos rencontres
Crédit : Giphy

Elle m’écoute, me conseille, me donne des lectures à faire, me rassure sur le fait que, non, je ne suis pas une criss de folle. Elle me questionne sur ce qui se passe dans mon corps avec une curiosité bienveillante. Au fil des conversations, je me surprends à angoisser moins et à espérer plus. À voir mon ventre qui s’arrondit comme une belle surprise et non plus comme un cauchemar, même si j’ai encore horriblement la chienne.

Bien avant la fin des douze rencontres initialement prévues, nous savons toutes les deux que je n’ai plus besoin d’elle au fond, mais nous ne disons rien et nous continuons quand même un peu, parce que ces jasettes sont si agréables. Parce que nous nous sommes attachées l’une à l’autre même si cette relation professionnelle a une date d’expiration.

Nous nous disons finalement « au revoir » et elle me demande, un peu gênée, si elle peut me laisser son courriel et si je peux lui redonner de mes nouvelles.

Le reste de ma grossesse se déroule bien. Je ne suis pas la plus sereine des mères en devenir, mais je gère mon stress et me donne le droit d’être heureuse et d’espérer que tout se passe pour le mieux.

C’est une des premières personnes à qui j’ai écrit, après la naissance de mon fils, parce que s’il est là, c’est un peu grâce à elle. Et, pour ça, je ne la remercierai jamais assez.

Avez-vous eu besoin d’aide pour gérer vos émotions en début de grossesse? 

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