J’y ai cru, moi aussi, qu’à coup de bonnes notes, d’engagement et de personnalité, j’accéderais aux réseaux, aux bourses, aux bons emplois. Qu’à force de volonté et d’ardeur, je me détacherais du lot pour briller parmi les meilleurs(es). Que l’éducation m’ouvrirait les portes de l’ascension sociale.
Ce beau discours qui martèle qu’il faut avoir de la discipline pour réussir, une attitude positive, se montrer forte devant les difficultés. Qu’il est possible de tout avoir si nous y mettons les efforts nécessaires et que nous prenons la responsabilité individuelle de forger notre avenir.
La méritocratie est une illusion parce qu’elle fait naître en nous une compétitivité et une recherche de la perfection qui n’entraînent pas une reconnaissance sociale de notre mérite. Au contraire, ses effets négatifs sont autant collectifs que personnels. Elle nous désolidarise entre femmes, évacue le discours sur les inégalités et la conscience des privilèges. Sans être tout à fait mauvaise, la méritocratie nous enferme dans des comparaisons constantes, dans cette idée de trouver la bonne réponse et d’être celle qui a toujours raison.
Moi, Johanne L., 32 ans, aspirante maman parfaite
Elles sont insidieuses, ces croyances fortes. Elles s’incrustent jusqu’à ce que nous soyons certaines qu’elles fassent partie de nous-mêmes. En bonne élève, j’ai internalisé cette course au mérite et appliqué les mêmes principes à la maternité. Un exemple? Lire de nombreux livres, me renseigner, me préparer et m’organiser. J’allais être prête à être maman!
J’avais tellement tout faux.
J’y ai pourtant mis toute mon énergie. J’ai appris le Mieux-vivre par cœur et les recommandations de Santé Canada. J’ai tout lu sur l’allaitement, le sommeil, les pleurs, les maux et maladies, la diversification alimentaire, etc. Comme plusieurs, je suis devenue experte.
J’ai étalé mon savoir sur les groupes, forums, auprès de mes amies ou lors de rencontres avec d’autres mamans.
Je fais quoi, là, à vouloir toujours avoir la bonne réponse et sauver tous les bébés de la planète…? Je partage mon vécu et mes connaissances? Toujours? Avec empathie?
Sinon, j’ai occupé mon temps à donner le meilleur à mes enfants et tenter de tout concilier avec succès. Quand ça s’arrête, cette course folle? Ce besoin de toujours élever les attentes? Je performe pour qui? Dans quel but?
La méritocratie nous décentre de l’expérience vécue pour nous amener sournoisement vers une tendance de performance, avec l’objectif salutaire d’offrir le mieux dans toutes les situations. J’y ai carburé à fond. Cette excessivité m’a usée, et la vie m’a finalement donné une belle leçon.
Moi, Johanne L., 35 ans, maman tout court
Parce que, plus souvent qu’autrement, ça ne se passe pas comme prévu. Les situations se complexifient, et les choix sont plus difficiles à faire quand le sommeil est inexistant. Épuisée, je suis descendue de mon piédestal.
Mes attentes se sont ajustées et ma vision de la perfection en a pris un coup. J’ai décidé de me faire confiance, d’accepter d’être la mère que je peux être au quotidien : une maman avec ses failles et ses limites. Je travaille encore aujourd’hui à arrêter de jouer les parfaites à 100 %, me comparer aux autres et, surtout, à taire la petite voix qui me dit que je n’en fais pas assez.
Avez-vous déjà eu cette réflexion quant au rejet de la perfection?